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RODOLPHE Ier.

principautés ou républiques, comme l’ancienne Grèce, mais plus puissantes, Venise, Gênes, et Pise, avaient plus de vaisseaux que l’empereur ne pouvait entretenir d’enseignes. Florence devenait considérable, et déjà elle était le berceau des beaux-arts.

Rodolphe pense d’abord à l’Allemagne. Le puissant roi de Bohême Ottocare III, duc d’Autriche, de Carinthie, et de Carniole, lui refuse l’hommage. « Je ne dois rien à Rodolphe, dit-il ; je lui ai payé ses gages. » Il se ligue avec la Bavière.

Rodolphe soutient la majesté de son rang. Il fait mettre au ban de l’empire ce puissant Ottocare, et le duc de Bavière Henri[1] qui est lié avec lui. On donne à l’empereur des troupes, et il va venger les droits de l’empire allemand.

1276. L’empereur Rodolphe bat l’un après l’autre tous ceux qui prennent le parti d’Ottocare, ou qui veulent profiter de cette division ; le comte de Neubourg, le comte de Fribourg, le marquis de Bade, le comte de Virtemberg, et Henri, duc de Bavière. Il finit tout d’un coup cette guerre avec les Bavarois en mariant une de ses filles au fils de ce prince, et en recevant quarante mille onces d’or au lieu de donner une dot à sa fille.

De là il marche contre Ottocare ; il le force de venir à composition. Le roi de Bohême cède l’Autriche, la Stirie, et la Carniole. Il consent de[2] faire un hommage-lige à l’empereur dans l’île de Camberg au milieu du Danube, sous un pavillon dont les rideaux devaient être fermés, pour lui épargner une mortification publique.

Ottocare s’y rend couvert d’or et de pierreries. Rodolphe, par un faste supérieur, le reçoit avec l’habit le plus simple ; et au milieu de la cérémonie les rideaux du pavillon tombent, et font voir aux yeux du peuple et des armées qui bordaient le Danube le superbe Ottocare à genoux, tenant ses mains jointes entre les mains de son vainqueur, qu’il avait si souvent appelé son maître-d’hôtel, et dont il devenait le grand-échanson. Ce conte est accrédité, et il importe peu qu’il soit vrai.

1277. La femme d’Ottocare, princesse plus altière que son époux, lui fait tant de reproches de son hommage rendu, et de la cession de ses provinces, que le roi de Bohême recommence la guerre vers l’Autriche.

  1. Voyez 1138.
  2. Dans ses Remarques sur Rodogune, acte III, scène iii, Voltaire dit que le verbe consentir gouverne toujours le datif. (B.)