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RODOLPHE Ier.

dant un historien ayant adopté cette chronique, tous les autres l’ont suivie ; et, dans les tables généalogiques, on appelle toujours ce Rodolphe duc de Souabe : s’il l’avait été, comment sa maison aurait-elle perdu ce duché ?

Dans la même diète l’empereur donne la Carinthie et la marche Trévisane au comte de Tyrol son gendre. L’avantage qu’il tira de sa dignité d’empereur fut de pourvoir toute sa maison.

1283-1284. Rodolphe gouverne l’empire aussi bien que sa maison. Il apaise les querelles de plusieurs seigneurs et de plusieurs villes.

Les historiens disent que ses travaux l’avaient fort affaibli, et qu’à l’âge de soixante-cinq ans passés les médecins lui conseillèrent de prendre une femme de quinze ans pour fortifier sa santé. Ces historiens ne sont pas physiciens. Il épouse Agnès, fille d’un comte de Bourgogne.

Dans cette année 1284, le roi d’Aragon, Pierre[1], fait prisonnier le prince de Salerne, fils de Charles d’Anjou, mais sans pouvoir se rendre maître de Naples. Les guerres de Naples ne regardent plus l’empire jusqu’à Charles-Quint.

1285. Les Cumins, reste de Tartares, dévastent la Hongrie.

L’empereur investit Jean d’Avesnes du comté d’Alost, du pays de Vass, de la Zélande, du Hainaut. Le comté de Flandre n’est point spécifié dans l’investiture : il était devenu incontestable qu’il relevait de la France[2].

1286-1287. Pour mettre le comble à la gloire de Rodolphe, il eût fallu s’établir en Italie, comme il l’était en Allemagne ; mais le temps était passé. Il ne voulut pas même aller se faire couronner à Rome. Il se contenta de vendre la liberté aux villes d’Italie qui voulurent bien l’acheter. Florence donna quarante mille ducats d’or ; Lucques, douze mille ; Gênes, Bologne, six mille. Presque toutes les autres ne donnèrent rien du tout, prétendant qu’elles ne devaient point reconnaître un empereur qui n’était pas couronné à Rome.

Mais en quoi consistait cette liberté ou donnée ou confirmée ? était-ce dans une séparation absolue de l’empire ? Il n’y a aucun acte de ces temps-là qui énonce de pareilles conventions. Cette liberté consistait dans le droit de nommer des magistrats, de se gouverner suivant leurs lois municipales, de battre monnaie.

  1. Nommé don Pèdre III, comme roi d’Aragon, et Pierre Ier, comme roi de Sicile ; mort le 10 novembre 1285.
  2. Voyez année 1252.