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ANNALES DE L’EMPIRE.

1363. Charles IV, aussi sédentaire qu’il avait été actif dans sa jeunesse, reste toujours dans Prague. L’Italie est absolument abandonnée ; chaque seigneur y achète un titre de vicaire de l’empire.

Barnabo Visconti en veut toujours à Bologne, et est maître de beaucoup de villes dans la Romagne.

Le pape (c’était alors Urbain V) obtient aisément de vains ordres de l’empereur aux vicaires d’Italie. On a écrit que Barnabo vendit encore ses places de la Romagne pour cinq cent mille florins d’or au pape ; mais Urbain, dans Avignon, aurait-il aisément trouvé cette somme ?

1364. On écrit encore que Charles voulut faire passer le Danube à Prague. Cela est encore plus incroyable que les cinq cent mille florins du pape. Pour tirer seulement un canal du Danube à la Moldau, dans la Bohême, il eût fallu conduire l’eau sur des montagnes, et dépendre encore de la maison de Bavière, maîtresse du cours du Danube. Le projet de Charlemagne de joindre le Danube et le Rhin dans un pays plat était bien plus praticable.

1365. Un fléau, formé en France, au milieu des guerres funestes d’Édouard III et de Philippe de Valois, se répand dans l’Allemagne. Ce sont des brigands qui ont déserté de ces armées indisciplinées, où on les payait mal, qui, joints à d’autres brigands, vont en Lorraine et en Alsace, et partout où ils trouvent les chemins ouverts : on les appelle malandrins, tard-venus, grandes-compagnies. L’empereur est obligé de marcher contre eux sur le Rhin avec les troupes de l’empire. On les chasse ; ils vont désoler la Flandre et la Hollande, comme des sauterelles qui ravagent les champs de contrées en contrées.

Charles IV va trouver le pape Urbain V à Avignon. Il s’agissait d’une croisade, non plus pour aller prendre Jérusalem, mais pour empêcher les Turcs, qui avaient déjà pris Andrinople, d’accabler la chrétienté.

Un roi de Chypre, qui voyait le danger de plus près, sollicite dans Avignon cette croisade. On en avait fait plusieurs dans le temps que les musulmans n’étaient point à craindre en Syrie ; et maintenant que la chrétienté est envahie, on n’en fait plus.

Le pape, après avoir proposé la croisade par bienséance, fait un traité sérieux avec l’empereur pour rendre au saint-siége son patrimoine usurpé. Il accorde à l’empereur des décimes sur le clergé d’Allemagne. Charles IV pouvait s’en servir pour aller reprendre en Italie les propres domaines de l’empereur, et non pour servir le pape.