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SIGISMOND.

blâmé de l’avoir souffert. Pourquoi ? si le roi lui avait donné sa place, il devait trouver très-bon qu’il conférât un honneur qui n’est qu’un titre[1].

De Paris il va à Londres. Il trouve en abordant des seigneurs qui avancent vers lui dans l’eau, l’épée à la main, pour lui faire honneur, et pour l’avertir de ne pas agir en maître. C’était un aveu des droits que pouvait donner, dans l’opinion des peuples, ce grand nom de césar.

Il disait qu’il était venu à Londres pour négocier la paix entre l’Angleterre et la France. C’était dans le temps le plus malheureux de la monarchie française, lorsque le roi anglais Henri V voulait avoir la France par conquête et par héritage.

L’empereur, au lieu de faire cette paix, s’unit avec l’Angleterre contre la France malheureuse. Il l’est lui-même davantage en Hongrie. Les Turcs, qui avaient renversé l’empire des califes, et qui menaçaient Constantinople, ayant inondé la terre depuis l’Inde jusqu’à la Grèce, dévastaient la Hongrie et l’Autriche ; mais ce n’était encore que des incursions de brigands. On envoie des troupes contre eux quand ils se retirent.

Tandis que Sigismond voyage, le concile, après avoir brûlé Jean Hus, cherche une autre victime dans Jérôme de Prague. Hiéronyme ou Jérôme de Prague, disciple de Jean Hus, qui lui était très-supérieur en esprit et en éloquence, fut brûlé[2] quelque temps après son maître. Il harangua l’assemblée avec une éloquence d’autant plus touchante qu’elle était intrépide. Condamné comme Socrate par des ennemis fanatiques, il mourut avec la même grandeur d’âme.

Les papes avaient prétendu juger les princes et les dépouiller quand ils l’avaient pu ; le concile, sans pape, crut avoir les mêmes droits. Frédéric d’Autriche avait, vers le Tyrol, pris des villes que l’évêque de Trente réclamait, et il retenait l’évêque prisonnier. Le concile lui ordonne de rendre l’évêque et les villes, sous peine d’être privé, lui et ses enfants, de tous leurs fiefs de l’Église et de l’empire.

Ce Frédéric d’Autriche, souverain du Tyrol, s’enfuit de Constance. Son frère Ernest lui prend le Tyrol, et l’empereur met Frédéric au ban de l’empire. Tout s’accommode sur la fin de

  1. Voyez ci-après, année 1538.
  2. Condamné le 30 mai 1416, Jérôme de Prague fut brûlé dans les premiers jours du mois suivant ; et ce fut encore Louis le Pieux qui présida à cette exécution. (Cl.)