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ANNALES DE L’EMPIRE.

mands, bien commandés et accoutumés à la victoire, vaut à Charles-Quint tous ces avantages, dans le même temps de sa vie où il fit le moins de choses par lui-même. Il reste toujours à Madrid. Il s’applique à régler les rangs et à former l’étiquette ; il se marie avec Isabelle, fille d’Emmanuel le Grand, roi de Portugal, pendant que le nouvel électeur de Saxe, Jean le Constant, fait profession de la religion nouvelle, et abolit la romaine en Saxe ; pendant que le landgrave de Hesse, Philippe, en fait autant dans ses États ; que Francfort établit un sénat luthérien, et qu’enfin un assez grand nombre de chevaliers teutons, destinés à défendre l’Église, l’abandonnent pour se marier et approprier à leurs familles les commanderies de l’ordre.

On avait brûlé autrefois cinquante[1] chevaliers du temple, et aboli l’ordre, parce qu’il n’était que riche ; celui-ci était puissant. Albert de Brandebourg, son grand-maître, partage la Prusse avec les Polonais, et reste souverain de la partie qu’on appelle la Prusse ducale, en rendant hommage et payant tribut au roi de Pologne. On place d’ordinaire en 1525 cette révolution.

Dans ces circonstances, les luthériens demandent hautement l’établissement de leur religion dans l’Allemagne à la diète de Spire. Ferdinand, qui tient cette diète, demande du secours contre Soliman qui revenait attaquer la Hongrie. La diète n’accorde ni la liberté de la religion, ni des secours aux chrétiens contre les Ottomans.

Le jeune Louis, roi de Hongrie et de Bohême, croit pouvoir soutenir seul l’effort de l’empire turc. Il ose livrer bataille à Soliman. Cette journée, appelée de Mohats[2], du nom du champ de bataille, non loin de Bude, est aussi funeste aux chrétiens que la journée de Varne[3]. Presque toute la noblesse de Hongrie y périt. L’armée est taillée en pièces ; le roi est noyé dans un marais en fuyant. Les écrivains du temps disent que Soliman fit décapiter quinze cents nobles hongrois prisonniers après la bataille, et qu’il pleura en voyant le portrait du malheureux roi Louis. Il n’est guère croyable qu’un homme qui fait couper de sang-froid quinze cents têtes nobles, en pleure une, et ces deux faits sont également douteux.

Soliman prend Bude, et menace tous les environs. Ce malheur de la chrétienté fait la grandeur de la maison d’Autriche. L’ar-

  1. Voltaire a dit cinquante-neuf, ci-dessus, page 385, et tome XI, page 523.
  2. Mohack.
  3. En 1444.