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ANNALES DE L’EMPIRE.

Ferdinand laisse croire et faire aux protestants tout ce qu’ils veulent ; il le fallait bien. Soliman, qui n’avait point de dispute de religion à apaiser, voulait toujours donner la couronne de Hongrie à ce Jean Zapoli, vayvode de Transylvanie, concurrent de Ferdinand ; et ce royaume devait être tributaire des Turcs.

Soliman subjugue toute la Hongrie, pénètre dans l’Autriche, emporte Altembourg d’assaut, met le siége devant Vienne, le 26 septembre ; mais Vienne est toujours l’écueil des Turcs. C’est le sort de la maison de Bavière de défendre dans ces périls la maison d’Autriche. Vienne fut défendue par Philippe le Belliqueux, frère de l’électeur palatin, dernier électeur de la première branche palatine. Soliman, au bout de trente jours, lève le siége ; mais il donne l’investiture de la Hongrie à Jean Zapoli, et y reste le maître.

Enfin Charles quittait alors l’Espagne, et était arrivé à Gênes, qui n’est plus aux Français, et qui attend son sort de lui : il déclare Gênes libre et fief de l’empire ; il va en triomphe de ville en ville pendant que les Turcs assiégeaient Vienne. Le pape Clément VII l’attend à Bologne. Charles vient d’abord recevoir à genoux la bénédiction de celui qu’il avait retenu captif, et dont il avait désolé l’État ; après avoir été aux pieds du pape en catholique, il reçoit en empereur François Sforce, qui vient se mettre aux siens, et lui demander pardon. Il lui donne l’investiture du Milanais pour cent mille ducats d’or comptant, et cinq cent mille payables en dix années ; il lui fait épouser sa nièce, fille du tyran Christiern ; ensuite il se fait couronner dans Bologne par le pape ; il reçoit de lui trois couronnes : celle d’Allemagne, celle de Lombardie, et l’impériale, à l’exemple de Frédéric III. Le pape, en lui donnant le sceptre, lui dit : « Empereur notre fils, prenez ce sceptre pour régner sur les peuples de l’empire, auxquels nous et les électeurs nous vous avons jugé digne de commander. » Il lui dit en lui donnant le globe : « Ce globe représente le monde que vous devez gouverner avec vertu, religion, et fermeté. » La cérémonie du globe rappelait l’image de l’ancien empire romain, maître de la meilleure partie du monde connu, et convenait en quelque sorte à Charles-Quint, souverain de l’Espagne, de l’Italie, de l’Allemagne, et de l’Amérique.

Charles baise les pieds du pape pendant la messe ; mais il n’y eut point de mule à conduire. L’empereur et le pape mangent dans la même salle, chacun seul à sa table.

Il promet sa bâtarde Marguerite à Alexandre de Médicis, neveu du pape, avec la Toscane pour dot.