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CHARLES-QUINT.

François Ier voulait frapper un plus grand coup. Il hasardait la chrétienté pour se venger de l’empereur. Il s’était engagé avec Soliman à descendre dans le Milanais avec une grande armée, tandis que les Turcs tomberaient sur le royaume de Naples et sur l’Autriche.

Soliman tint sa parole, mais François Ier ne fut pas assez fort pour tenir la sienne. Le fameux capitan pacha Chérédin descend avec une partie de ses galères dans la Pouille, l’autre aborde vers Otrante : il ravage ces pays, et fait seize mille esclaves chrétiens. Ce Chérédin, vice-roi d’Alger, est le même que les auteurs nomment Barberousse. Ce sobriquet avait été donné à son frère, conquérant d’une partie des côtes de la Barbarie, mort en 1519.

Soliman s’avance en Hongrie. Le roi des Romains, Ferdinand, marche au-devant des Turcs entre Bude et Belgrade. Une sanglante bataille se donne, dans laquelle Ferdinand prend la fuite, après avoir perdu vingt-quatre mille hommes. On croirait l’Italie et l’Autriche au pouvoir des Ottomans, et François Ier maître de la Lombardie ; mais non. Barberousse, qui ne voit point venir François Ier dans le Milanais, s’en retourne à Constantinople avec son butin et ses esclaves. L’Autriche est mise en sûreté. L’empereur avait retiré ses troupes de l’Artois et de la Picardie. Ses deux sœurs, l’une Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, l’autre Éléonore de Portugal, femme de François Ier, ayant ménagé une trêve sur ces frontières, l’empereur avait consenti à cette trêve pour avoir de nouvelles troupes à opposer aux Turcs, et François Ier afin de pouvoir passer en liberté en Italie.

Déjà le dauphin Henri était dans le Piémont, les Français étaient les maîtres de presque toutes les villes ; le marquis del Vasto, que les Français appellent Duguast, défendait le reste. Alors on conclut une trêve de quelques mois dans ce pays. C’était ne pas faire la guerre sérieusement, après de si grands et de si dangereux projets. Celui qui perdit le plus à cette paix et à cette trêve fut le duc de Savoie, dépouillé par ses ennemis et par ses amis : car les Impériaux et les Français retinrent presque toutes ses places.

1538. La trêve se prolonge pour dix années entre Charles-Quint et François Ier et aux dépens du duc de Savoie.

Soliman, mécontent de son allié, ne poursuit point sa victoire. Tout se fait à demi dans cette guerre.

Charles, ayant passé en Italie pour conclure la trêve, marie sa bâtarde Marguerite, veuve d’Alexandre de Médicis, à Ottavio Farnèse, fils d’un bâtard de Paul III, duc de Parme, de Plaisance,