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ANNALES DE L’EMPIRE.

et de Castro. Ces duchés étaient un ancien héritage de la comtesse Mathilde ; elle les avait donnés à l’Église, et non pas aux bâtards des papes. On a vu qu’ils avaient été annexés depuis au duché de Milan. Le pape Jules II les incorpora à l’État ecclésiastique ; Paul III les en détacha, et en revêtit son fils. L’empereur en prétendait bien la suzeraineté, mais il aima mieux favoriser le pape que de se brouiller avec lui. C’était hasarder beaucoup pour un pape de faire son bâtard souverain à la face de l’Europe indignée, dont la moitié avait déjà quitté la religion romaine avec horreur ; mais les princes insultent toujours à l’opinion publique, jusqu’à ce que cette opinion publique les accable.

Après toutes ces grandes levées de boucliers, François Ier qui était sur les frontières du Piémont, s’en retourne. Charles-Quint fait voile pour l’Espagne, et voit François Ier à Aigues-Mortes avec la même familiarité que si ce prince n’eût été jamais son prisonnier ; qu’ils ne se fussent jamais donné de démentis, point appelés en duel ; que le roi de France n’eût point fait venir les Turcs, et qu’il n’eût point souffert que Charles-Quint eût été traité d’empoisonneur.

1539. Charles-Quint apprend en Espagne que la ville de Gand, lieu de sa naissance, soutient ses priviléges jusqu’à la révolte. Chaque ville des Pays-Bas avait des droits ; on n’a jamais rien tiré de ce florissant pays par des impositions arbitraires : les états fournissaient aux souverains des dons gratuits dans le besoin ; et la ville de Gand avait, de temps immémorial, la prérogative d’imposer elle-même sa contribution. Les états de Flandre, ayant accordé douze cent mille florins à la gouvernante des Pays-Bas, en répartirent quatre cent mille sur les Gantois ; ils s’y opposèrent, ils montrèrent leurs priviléges. La gouvernante fait arrêter les principaux bourgeois : la ville se soulève, prend les armes ; c’était une des plus riches et des plus grandes de l’Europe : elle veut se donner au roi de France comme à son seigneur suzerain ; mais le roi, qui se flattait toujours de l’espérance d’obtenir de l’empereur l’investiture du Milanais pour un de ses fils, se fait un mérite auprès de lui de refuser les Gantois. Qu’arriva-t-il ? François Ier n’eut ni Gand ni Milan ; il fut toujours la dupe de Charles-Quint, et son inférieur en tout, excepté en valeur.

L’empereur prend alors le parti de demander passage par la France pour aller punir la révolte de Gand. Le dauphin et le duc d’Orléans vont le recevoir à Bayonne ; François Ier va au-devant de lui à Chatellerault ; il entre dans Paris le 1er janvier ; le parlement et tous les corps viennent le complimenter hors de la