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ANNALES DE L'EMPIRE.

secours de la France, pour donner, s’il le peut, des principautés à ses neveux. Il s’engage à joindre dix mille hommes aux nouvelles troupes que Henri II doit envoyer.

La guerre allait donc devenir plus vive que jamais. Charles voyait qu’il n’aurait pas un moment de repos dans sa vie ; la goutte le tourmentait ; le fardeau de tant d’affaires devenait pesant ; il avait joué longtemps le plus grand rôle dans l’Europe : il voulut finir par une action plus singulière que tout ce qu’il avait fait dans sa vie, par abdiquer toutes ses couronnes et l’empire.

Tandis qu’il se préparait à renoncer à tant d’États pour s’ensevelir dans un monastère, il assurait la liberté des protestants dans la diète d’Augsbourg ; il leur abandonnait les biens ecclésiastiques dont ils s’étaient emparés ; on changeait en leur faveur la formule du serment des conseillers de la chambre impériale ; on ne devait plus jurer par les saints, mais seulement par les évangiles. Le vainqueur de Muhlberg cédait ainsi à la nécessité ; et prêt d’aller vivre en moine, il agissait en philosophe.

Le 24 novembre[1], il assemble les états à Bruxelles, et remet les Pays-Bas à son fils Philippe ; le 10 janvier suivant, il lui cède l’Espagne, le nouveau monde, et toutes ses provinces héréditaires.

Il pardonne à Octave Farnèse, son gendre ; il lui rend Plaisance et le Novarais, et se prépare à céder l’empire à son frère, le roi des Romains.

1556. Tout le dégoûtait. Les Turcs étaient toujours maîtres de la Hongrie jusqu’à Bude, et inquiétaient le reste ; les Transylvains souffraient impatiemment le joug ; le protestantisme pénétrait dans les États autrichiens ; et l’empereur avait résolu depuis longtemps de dérober à tant de soins une vieillesse prématurée et infirme, et un esprit détrompé de toutes les illusions ; il ne voulait pas montrer sur le trône sa décadence.

Ne pouvant donc céder l’empire à son fils, il le cède à son frère ; il demande préalablement l’agrément du saint-siége, lui qui n’avait pas certainement demandé cet agrément pour être élu empereur.

Paul IV abuse de la soumission de Charles-Quint, et le refuse ; ce pontife était à la fois très-satisfait de le voir quitter l’empire, et de le chagriner.

  1. Le 25 octobre, selon Robertson ; mais le 24 novembre selon le P. Barre, qui a induit Voltaire en erreur. (Cl.)