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ANNALES DE L’EMPIRE.

deux partis. L’inflexible Philippe II ne voulait point accorder la liberté de conscience, et le prince d’Orange ne voulait point d’une paix qui l’eût réduit à l’état d’un homme privé. Il établit la liberté des Provinces-Unies, à Utrecht, dans cette année mémorable.

1580. Le prince d’Orange avait trouvé le secret de résister aux succès de Farnèse, et de se débarrasser de l’archiduc Mathias : cet archiduc se démit de son gouvernement équivoque, et demanda aux états une pension, qu’on lui assigna sur les revenus de l’évêché d’Utrecht.

1581. Mathias se retire des Pays-Bas, n’y ayant rien fait que de stipuler sa pension, dont on lui retranche la moitié, comme à un officier inutile. Les États-Généraux se soustraient juridiquement par un édit, le 26 juillet, à la domination du roi d’Espagne ; mais ils ne renoncent point à être État de l’empire. Leur situation avec l’Allemagne reste indécise, et le duc d’Anjou, qu’on venait d’élire duc de Brabant, ayant depuis voulu asservir la nation qu’il venait défendre, fut obligé de s’en retourner en 1583, et d’y laisser le prince d’Orange plus puissant que jamais.

1582. Grégoire XIII ayant signalé son pontificat par la réforme du calendrier, les protestants d’Allemagne, ainsi que tous les autres de l’Europe, s’opposent à la réception de cette réforme nécessaire. Ils n’avaient d’autre raison, sinon que c’était un service que Rome rendait aux nations. Ils craignaient que cette cour ne parût trop faire pour instruire, et que les peuples, en recevant des lois dans l’astronomie, n’en reçussent dans la religion. L’empereur, dans une diète à Augsbourg, est obligé d’ordonner que la chambre impériale conservera l’ancien style de Jules-César, qui était bon du temps de César, mais que le temps avait rendu mauvais.

Un événement tout nouveau inquiète, cette année, l’empire. Gebhard de Truchsès, archevêque de Cologne, qui n’était pas prêtre, avait embrassé la confession d’Augsbourg, et s’était marié secrètement dans Bonn avec Agnès de Mansfeld, religieuse du monastère de Guerisheim. Ce n’était pas une chose bien extraordinaire qu’un évêque marié ; mais cet évêque était électeur : il voulait épouser sa femme publiquement et garder son électorat. Un électorat est incontestablement une dignité séculière. Les archevêques de Mayence, de Trêves, de Cologne, ne furent point originairement électeurs parce qu’ils étaient prêtres, mais parce qu’ils étaient chanceliers. Il pouvait arriver très-aisément que l’électorat de Cologne fût séparé de l’archevêché, ou que le prélat