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RODOLPHE II.

fût à la fois évêque luthérien et électeur. Alors il n’y aurait eu d’électeur catholique que le roi de Bohême et les archevêques de Mayence et de Trêves. L’empire serait bientôt tombé dans les mains d’un protestant, et cela seul pouvait donner à l’Europe une face nouvelle.

Gebhard de Truchsès essayait de rendre Cologne luthérienne. Il n’y réussit pas. Le chapitre et le sénat étaient d’autant plus attachés à la religion catholique qu’ils partageaient en beaucoup de choses la souveraineté avec l’électeur, et qu’ils craignaient de la perdre. En effet l’électeur, quoique souverain, était bien loin d’être absolu. Cologne est une ville libre impériale, qui se gouverne par ses magistrats. On leva des soldats de part et d’autre, et l’archevêque fit d’abord la guerre avec succès pour sa maîtresse.

1583. Les princes protestants prirent le parti de l’électeur de Cologne. L’électeur palatin, ceux de Saxe et de Brandebourg, écrivirent en sa faveur à l’empereur, au chapitre, au sénat de Cologne ; mais ils s’en tinrent là ; et comme ils n’avaient point un intérêt personnel et présent à faire la guerre pour le mariage d’une religieuse, ils ne la firent point.

Truchsès ne fut secouru que par des princes peu puissants. L’archevêque de Brême, marié comme lui, amena de la cavalerie à son secours. Le comte de Solms, et quelques gentilshommes luthériens de Vestphalie, donnèrent des troupes dans la première chaleur de l’événement. Le prince de Parme, d’un autre côté, en envoyait au chapitre. Un chanoine de l’ancienne maison de Saxe, qui est la même que celle de Brunsvick, commandait l’armée du chapitre, et prétendait que c’était une guerre sainte.

L’électeur de Cologne, n’ayant plus rien à ménager, célébra publiquement son mariage à Rosenthal, au milieu de cette petite guerre.

L’empereur Rodolphe ne s’en mêle qu’en exhortant l’archevêque à quitter son église et son électorat, s’il veut garder sa nouvelle religion et sa religieuse.

Le pape Grégoire XIII l’excommunie comme un membre pourri, et ordonne qu’on élise un nouvel archevêque. Cette bulle du pape révolte les princes protestants ; mais ils ne font que des instances. Ernest de Bavière, évêque de Liége, de Freisingen et d’Hildesheim, est élu électeur de Cologne, et soutient son droit par la voie des armes. Il n’y eut alors que le prince palatin Casimir qui secourut l’électeur dépossédé ; mais ce fut pour très-peu de temps. Il ne resta bientôt plus à Truchsès que la ville de Bonn.