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MATHIAS.

qui avaient menacé l’Allemagne d’une guerre civile, s’étaient comme dissipées elles-mêmes après la mort de Henri IV. Les protestants se contentaient seulement de refuser de l’argent à l’empereur dans les diètes. La querelle sur la succession de Juliers, qu’on croyait devoir embraser l’Europe, ne devint plus qu’une de ces petites guerres particulières qui ont troublé, de tout temps, quelques cantons d’Allemagne, sans dissoudre le corps germanique.

Le duc de Neubourg et l’électeur de Brandebourg, s’étant mis en possession de Clèves et de Juliers, devaient être nécessairement brouillés pour le partage. Un soufflet, donné par l’électeur de Brandebourg au duc de Neubourg, ne pacifia pas le différend. Les deux princes se firent la guerre. Le duc de Neubourg se fit catholique pour avoir la protection de l’empereur et du roi d’Espagne. L’électeur de Brandebourg introduisit le calvinisme dans le pays pour animer la ligue protestante en sa faveur.

Cependant les autres princes demeuraient dans l’inaction ; et l’électeur de Saxe lui-même[1], malgré le jugement impérial rendu en sa faveur, ne remuait pas. Les Pays-Bas espagnols et hollandais se mêlaient de la querelle. Deux grands généraux : le marquis de Spinola, de la part de l’Espagne, secourait Neubourg ; le comte Maurice, de la part des États-Généraux, était armé pour Brandebourg. C’est une suite de la constitution de l’Allemagne, que des puissances étrangères pussent prendre plus de part à ces querelles intestines que l’Allemagne même. L’intérieur du corps germanique n’en était point ébranlé. Cette paix intérieure était souvent troublée par les fréquents démêlés d’une ville avec une autre, des princes avec les villes, des princes avec les princes ; mais le corps germanique subsistait par ces divisions mêmes, qui mettaient une balance à peu près égale entre ses membres.

Il n’en était pas de même en Hongrie et en Transylvanie. L’empereur Mathias se préparait contre le Turc. Le vayvode de Transylvanie, Gabriel Battori, se ménageait entre l’empereur chrétien et l’empereur musulman. Les Turcs poursuivent Battori : il est abandonné de ses sujets ; l’empereur ne peut le secourir. Battori se fait donner la mort par un de ses soldats[2]. Exemple unique parmi les princes modernes.

1614. Un bâcha investit Bethlem-Gabor de la Transylvanie.

  1. Jean George ; voyez le Catalogue des électeurs de Saxe, page 212.
  2. Le 27 octobre 1613. Bethlem-Gabor fut proclamé son successeur trois jours après. (Cl.)