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FERDINAND II.

texte à l’électeur de Bavière ; il ne prit point ce parti glorieux : il ôta le commandement à Valstein, et le donna à Tilly ; par là il acheva d’aliéner le Bavarois : il eut des soldats, et n’eut plus d’amis.

La puissance de Ferdinand II, qui faisait craindre aux États d’Allemagne leur perte prochaine, inquiétait en même temps la France, Venise, et jusqu’au pape. Le cardinal de Richelieu négociait alors avec l’empereur au sujet de Mantoue ; mais il rompt le traité dès qu’il apprend que Gustave-Adolphe se prépare à entrer en Allemagne. Il traite alors avec ce monarque. L’Angleterre et les Provinces-Unies en font autant. L’électeur palatin, qui était un moment auparavant abandonné de tout le monde, se trouve tout d’un coup prêt d’être secouru par toutes ces puissances. Le roi de Danemark, affaibli par ses pertes précédentes, et jaloux du roi de Suède, reste dans l’inaction.

Gustave part enfin de Suède le 23 juin, s’embarque avec treize mille hommes, et aborde en Poméranie. Il prétendait déjà cette province en tout ou en partie pour le fruit de ses expéditions. Le dernier duc de Poméranie qui régnait alors n’avait point d’enfants. Ses États, par des actes de confraternité, devaient revenir à l’électeur de Brandebourg. Gustave stipula qu’au cas de la mort du dernier duc, il garderait la Poméranie en séquestre jusqu’au remboursement des frais de la guerre. Or séquestrer une province et l’usurper, c’est à peu près la même chose.

1631. Le cardinal de Richelieu ne consomme l’alliance de la France avec Gustave que lorsque ce roi est en Poméranie. Il n’en coûte à la France que trois cent mille livres une fois payées, et neuf cent mille par an[1]. Ce traité est un des plus habiles qu’on ait jamais faits. On y stipule la neutralité pour l’électeur de Bavière, qui pouvait être le plus grand support de l’empereur. On y stipule celle de tous les États de la ligue catholique, qui n’aideront pas l’empereur contre les Suédois ; et on a soin de faire promettre en même temps à Gustave de conserver tous les droits de l’Église romaine dans tous les lieux où elle subsiste. Par là on évite de faire de cette guerre une guerre de religion, et on donne un prétexte spécieux aux catholiques même d’Allemagne de ne pas secourir l’empereur. Cette ligue est signée le 23 janvier dans le Brandebourg. Ce traité est regardé comme le triomphe de la politique du cardinal de Richelieu et du grand Gustave.

  1. La subvention annuelle fut portée à douze cent mille francs, puis réduite à un million ; voyez année 1633. (B)