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ANNALES DE L’EMPIRE.

Ferdinand, assuré de ce côté, tirait toujours des secours de l’Autriche, de la Carinthie, de la Carniole, du Tyrol. Le roi d’Espagne lui fournissait quelque argent, la ligue catholique quelques troupes ; et enfin l’électeur de Bavière, à qui les Suédois ôtaient le Palatinat, était dans la nécessité de prendre le parti du chef de l’empire. Les Autrichiens, les Bavarois réunis, soutenaient la fortune de l’Allemagne vers le Danube. Ferdinand-Ernest, roi de Hongrie, fils de l’empereur, ranimait les Autrichiens en se mettant à leur tête. Il prend Ratisbonne à la vue du duc de Saxe-Veimar. Ce prince et le maréchal de Horn, qui le joint alors, font ferme à l’entrée de la Souabe ; et ils livrent aux Impériaux la bataille mémorable de Nordlingue, le 5 septembre. Le roi de Hongrie commandait l’armée ; l’électeur de Bavière était à la tête de ses troupes ; le cardinal infant, gouverneur des Pays-Bas, conduisait quelques régiments espagnols. Le duc de Lorraine, Charles IV, dépouillé de ses États par la France, y commandait sa petite armée de dix à douze mille hommes, qu’il menait servir tantôt l’empereur, tantôt les Espagnols, et qu’il faisait subsister aux dépens des amis et des ennemis. Il y avait de grands généraux dans cette armée combinée, tels que Piccolomini et Jean de Vert. La bataille dura tout le jour, et le lendemain encore jusqu’à midi. Ce fut une des plus sanglantes : presque toute l’armée de Veimar fut détruite, et les Impériaux soumirent la Souabe et la Franconie, où ils vécurent à discrétion.

Ce malheur, commun à la Suède, aux protestants d’Allemagne, et à la France, fut précisément ce qui donna la supériorité au roi très-chrétien, et qui lui valut enfin la possession de l’Alsace. Le chancelier Oxenstiern n’avait point voulu jusque-là que la France s’agrandît trop dans ces pays ; il voulait que tout le fruit de la guerre fût pour les Suédois, qui en avaient tout le fardeau. Aussi Louis XIII ne s’était point déclaré ouvertement contre l’empereur. Mais, après la bataille de Nordlingue, il fallut que les Suédois priassent le ministère de France de vouloir bien se mettre en possession de l’Alsace, sous le nom de protecteur, à condition que les princes et les États protestants ne feraient ni paix ni trêve avec l’empereur, que du consentement de la France et de la Suède. Ce traité est signé à Paris le 1er novembre.

1635. En conséquence, le roi de France envoie une armée en Alsace, met garnison dans toutes les villes, excepté dans Strasbourg, alors indépendante, et qui fait dans la ligue le personnage d’un allié considérable. L’électeur de Trêves était sous la protection de la France. L’empereur le fit enlever : ce fut une raison de