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ANNALES DE L’EMPIRE.

l’Italie. Louis XIV, en effarouchant trop ses voisins, fit plus de bien à la maison d’Autriche qu’il ne lui avait fait de mal par sa puissance.

DE LA HONGRIE ET DES TURCS DU TEMPS DE LÉOPOLD.

Dans les guerres que Léopold fit de son cabinet à Louis XIV, il ne risqua jamais rien. L’Allemagne et ses alliés portaient tout le fardeau, et défendaient ses pays héréditaires. Mais, du côté de la Hongrie et des Turcs, il n’y eut que du trouble et du danger. Les Hongrois étaient les restes d’une nation nombreuse, échappés aux guerres civiles et au sabre des Ottomans ; ils labouraient, les armes à la main, des campagnes arrosées du sang de leurs pères. Les seigneurs de ces cantons malheureux voulaient à la fois défendre leurs priviléges contre l’autorité de leur roi, et leur liberté contre le Turc, qui protégeait la Hongrie et la dévastait. Le Turc faisait précisément en Hongrie ce que les Suédois et les Français avaient fait en Allemagne ; mais il fut plus dangereux, et les Hongrois furent plus malheureux que les Allemands.

Cent mille Turcs marchent jusqu’à Neuhausel en 1663. Il est vrai qu’ils sont vaincus l’année d’après à Saint-Gothard, sur le Raab, par le fameux Montécuculli. On vante beaucoup cette victoire, mais certainement elle ne fut pas décisive. Quel fruit d’une victoire qu’une trêve honteuse, par laquelle on cède au sultan la Transylvanie avec tout le terrain de Neuhausel, et on rase jusqu’aux fondements des citadelles voisines !

Le Turc donna ou plutôt confirma la Transylvanie à Abaffi, et dévasta toujours la Hongrie, malgré la trêve.

Léopold n’avait alors d’enfant que l’archiduchesse, qui fut depuis électrice de Bavière. Les seigneurs hongrois songent à se donner un roi de leur nation, en cas que Léopold meure.

Leurs projets, leur fermeté à soutenir leurs droits, et enfin leurs complots, coûtent la tête à Serini[1], à Frangipani, à Nadasti, à Tattembach. Les Impériaux s’emparent des châteaux de tous les amis de ces infortunés. On supprime les dignités de palatin de Hongrie, de juge du royaume, de ban de Croatie ; et le pillage est exercé avec les formes de la justice. Cet excès de sévérité produit d’abord la consternation, et ensuite le désespoir. Émérick

  1. Zrini.