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ÉTAT DE L’EMPIRE SOUS LÉOPOLD Ier.

Tékéli se met à la tête des mécontents : tout est en combustion dans la haute Hongrie.

Tékéli traite avec la Porte. Alors la cour de Vienne ménage les esprits irrités. Elle rétablit la charge de palatin ; elle confirme tous les priviléges pour lesquels on combattait ; elle promet de rendre les biens confisqués ; mais cette condescendance, qui vient après tant de duretés, ne paraît qu’un piége, Tékéli croit plus gagner à la cour ottomane qu’à celle de Vienne. Il est fait prince de Hongrie par les Turcs, moyennant un tribut de quarante mille sequins. Déjà, en 1682, Tékéli, aidé des troupes du hacha de Bude, ravageait la Silésie ; et ce bacha prenait Tokai et Éperies, tandis que le sultan Mahomet IV préparait l’armement le plus formidable que jamais l’empire ottoman ait destiné contre les chrétiens.

Si les Turcs eussent pris ce parti avant la paix de Nimègue, on ne voit pas ce que l’empereur eût pu leur opposer ; car après la paix de Nimègue même il opposait peu de forces.

Le grand-vizir Kara Mustapha traverse la Hongrie avec deux cent cinquante mille hommes d’infanterie, trente mille spahis, une artillerie, un bagage proportionné à cette multitude. Il pousse le duc de Lorraine Charles V devant lui. Il met le siége sans résistance devant Vienne.

SIÉGE DE VIENNE, EN 1683, ET SES SUITES.

Ce siége de Vienne doit fixer les regards de la postérité. La ville était devenue, sous dix empereurs consécutifs de la maison d’Autriche, la capitale de l’empire romain en quelque sorte ; mais elle n’était ni forte ni grande. Cette capitale prise, il n’y avait, jusqu’au Rhin, aucune place capable de résistance.

Vienne et ses faubourgs contenaient environ cent mille citoyens, dont les deux tiers habitaient ces faubourgs sans défense, Kara Mustapha s’avançait sur la droite du Danube, suivi de trois cent trente mille hommes, en comptant tout ce qui servait à cet armement formidable. On a prétendu que le dessein de ce grand-vizir était de prendre Vienne pour lui-même, et d’en faire la capitale d’un nouveau royaume indépendant de son maître. Tékéli, avec ses mécontents de Hongrie, était vers l’autre rive du Danube. Toute la Hongrie était perdue, et Vienne menacée de tous côtés. Le duc Charles de Lorraine n’avait qu’environ vingt-quatre mille combattants à opposer aux Turcs, qui précipi-