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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.


Boulainvilliers (Henri, comte de), de la maison de Crouï, le plus savant gentilhomme du royaume dans l’histoire, et le plus capable d’écrire celle de France, s’il n’avait pas été trop systématique. Il appelle notre gouvernement féodal le chef-d’œuvre de l’esprit humain. Le système féodal pourrait mériter le nom de chef-d’œuvre en Allemagne ; mais en France il ne fut qu’un chef d’œuvre d’anarchie. Il regrette les temps où les peuples, esclaves de petits tyrans ignorants et barbares, n’avaient ni industrie, ni commerce, ni propriété ; et il croit qu’une centaine de seigneurs, oppresseurs de la terre et ennemis du roi, composaient le plus parfait des gouvernements. Malgré ce système, il était excellent citoyen, comme, malgré son faible pour l’astrologie judiciaire, il était philosophe de cette philosophie qui compte la vie pour peu de chose, et qui méprise la mort. Ses écrits, qu’il faut lire avec précaution, sont profonds et utiles. On a imprimé, à la fin de ses ouvrages, un gros Mémoire pour rendre le roi de France plus riche que tous les autres monarques ensemble[1]. Il est évident que cet ouvrage n’est pas du comte de Boulainvilliers ; cependant tous ces petits écrivains politiques, qui gouvernent l’État dans leur grenier, citent cette rapsodie. Mort vers l’an 1720[2].

Bourchenu (Jean-Pierre Moret de), marquis de Valbonais, né à Grenoble en 1651. Il voyagea dans sa jeunesse, et se trouva sur la flotte d’Angleterre à la bataille de Solbaye. Il fut depuis premier président de la chambre des comptes du Dauphiné. Sa mémoire est chère à Grenoble pour le bien qu’il fit, et aux gens de lettres pour ses grandes recherches. Ses Mémoires sur le Dauphiné[3] furent composés dans le temps qu’il était aveugle, et sur les lectures qu’on lui faisait. Mort en 1730.

Bourdaloue (Louis), né à Bourges en 1632, jésuite ; le premier modèle des bons prédicateurs en Europe. Mort en 1704.

Boursault (Edme), né en Bourgogne en 1638. Ses Lettres à Babet, estimées de son temps, sont devenues, comme toutes les lettres dans ce goût, l’amusement des jeunes provinciaux. On joue encore sa comédie d’Ésope[4]. Mort en 1701.

  1. Voltaire veut probablement parler des Mémoires présentés au duc d’Orléans, régent de France, contenant les moyens de rendre ce royaume très-puissant. La Haye, 1727, deux volumes in-12.
  2. Il est mort le 23 janvier 1722.
  3. 1711, in-folio, réimprimés après avoir été revus par A. Lancelot, sous le titre de : Histoire de Dauphiné, 1722, deux volumes in-folio.
  4. Boursault a fait un Ésope à la ville et un Ésope à la cour. Cette dernière comédie est restée au théâtre plus longtemps que l’autre.