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PREMIÈRE PARTIE.

Ce que je viens de raconter, et dont je demande encore très-humblement pardon à M. le président Hénault, doit moins servir à fortifier le pyrrhonisme de l’histoire qu’à faire voir avec quel scrupule il faut poser les autorités et balancer les raisons. Ce trait apprendra aux lecteurs quels soins j’ai pris de m’instruire ; et peut-être regrettera-t-on que je ne puisse plus être à la source des lumières que j’aurais fidèlement répandues.

17° Apprenez combien il est indécent et révoltant de dire, à propos du comte de Plelo, « qu’il ne mourut au lit d’honneur que parce qu’il s’ennuyait à périr à Copenhague, et qu’il était estimé des savants danois parce qu’ils sont fort ignorants ». Jugez ce que vous devez attendre de pareilles remarques qui insultent follement les vivants et les morts. Vous dites que le roi Casimir était un sot, ainsi que tous les Polonais. Quel asile vous restera-t-il sur la terre ?

18° Apprenez combien il est ridicule d’avancer que jamais Louis XIV n’eut une cour plus nombreuse que lorsque, obligé de quitter sa capitale, il était prêt d’être livré au grand Condé à la journée de Blenau.

19° Apprenez que le grade militaire est toujours à l’armée au-dessus de la naissance, et que le premier grade donne à la cour cette prérogative. Fabert, maréchal de France, passait partout, sans contredit, devant les Montmorency et les Châtillon, lieutenants généraux.

20° Apprenez à connaître l’Allemagne. Distinguez le conseil de ce qu’on appelle les légistes. Sachez que, surtout dans les États du roi de Prusse, les magistrats sont bien loin de disputer quelque chose aux officiers.

21° Apprenez que jamais Louis XIV n’a dit au parlement de Paris que Louis XIII n’aimait pas les huguenots, et les craignait ; et que, pour lui, il ne les craignait ni ne les aimait. Ce monarque n’allait point au parlement pour faire des antithèses, et il n’a jamais tenu de lit de justice à l’occasion des prétendus réformés.

22° Apprenez que vous vous trompez autant sur ce que Louis XIV dit au parlement de Paris que sur ce qu’il n’y dit pas. Le discours qu’il y prononça en 1654, que je rapporte et que vous niez, est mot pour mot dans un extrait d’un journal du parlement que j’ai vu. Plusieurs mémoires du temps citent exactement les mêmes paroles. Quand je dis que vous vous trompez, je n’entends pas que vous vous méprenez, que vous avez mal lu, mal retenu, ce qui pourrait arriver à tout critique ; j’entends que vous n’avez rien lu, et que vous barbouillez au hasard des notes qui n’ont