Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/253

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mandants. Le maréchal de Saxe en vit un dont les rangs entiers tombaient, et qui ne se dérangeait pas. On lui dit que c’était le régiment des vaisseaux, que commandait M. de Guerchy. « Comment se peut-il faire, s’écria-t-il, que de telles troupes ne soient pas victorieuses. »

Hainaut ne souffrait pas moins ; il avait pour colonel le fils du prince de Craon, gouverneur de Toscane. Le père servait le grand-duc ; les enfants servaient le roi de France. Ce jeune homme, d’une très-grande espérance, fut tué à la tête de sa troupe ; son lieutenant-colonel blessé à mort auprès de lui. Le régiment de Normandie avança ; il eut autant d’officiers et de soldats hors de combat que celui de Hainaut : il était mené par son lieutenant-colonel, M. de Solency, dont le roi loua la bravoure sur le champ de bataille, et qu’il récompensa ensuite en le faisant brigadier. Des bataillons irlandais coururent au flanc de cette colonne ; le colonel Dillon tombe mort : ainsi aucun corps, aucune attaque, n’avaient pu entamer la colonne, parce que rien ne s’était fait de concert et à la fois.

Le maréchal de Saxe repasse par le front de la colonne, qui s’était déjà avancée plus de trois cents pas au-delà de la redoute d’Eu et de Fontenoy. Il va voir si Fontenoy tenait encore : on n’y avait plus de boulets ; on ne répondait à ceux des ennemis qu’avec de la poudre.

M. Dubrocard, lieutenant général d’artillerie, et plusieurs officiers d’artillerie étaient tués. Le maréchal pria alors le duc d’Harcourt, qu’il rencontra, d’aller conjurer le roi de s’éloigner, et il envoya ordre au comte de La Mark, qui gardait Anthoin, d’en sortir avec le régiment de Piémont : la bataille parut perdue sans ressource. On ramenait de tous côtés les canons de campagne ; on était prêt de faire partir celui du village de Fontenoy, quoique les boulets fussent arrivés. L’intention du maréchal de Saxe était de faire, si l’on pouvait, un dernier effort mieux dirigé et plus plein contre la colonne anglaise. Cette masse d’infanterie avait été endommagée, quoique sa profondeur parût toujours égale ; elle-même était étonnée de se trouver au milieu des Français sans avoir de cavalerie ; la colonne était immobile et semblait ne recevoir plus d’ordre, mais elle gardait une contenance fière, et paraissait être maîtresse du champ de bataille. Si les Hollandais avaient passé entre les redoutes qui étaient vers Fontenoy et Anthoin, s’ils étaient venus donner la main aux Anglais, il n’y avait plus de ressource, plus de retraite même, ni pour l’armée française, ni probablement pour le roi et son fils. Le succès d’une