Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/255

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la gendarmerie avancent à la droite de la maison du roi ; les grenadiers à cheval sont à la tête, sous M. de Grille, leur capitaine ; les mousquetaires, commandés par M. de Jumilhac, se précipitent.

Dans ce même moment important, le comte d’Eu et le duc de Biron, à la droite, voyaient avec douleur les troupes d’Anthoin quitter leur poste, selon l’ordre positif du maréchal de Saxe. « Je prends sur moi la désobéissance, leur dit le duc de Biron ; je suis sûr que le roi l’approuvera dans un instant où tout va changer de face ; je réponds que M. le maréchal de Saxe le trouvera bon. » Le maréchal, qui arrivait dans cet endroit, informé de la résolution du roi et de la bonne volonté des troupes, n’eut pas de peine à se rendre ; il changea de sentiment lorsqu’il en fallait changer, et fit rentrer le régiment de Piémont dans Anthoin ; il se porta rapidement, malgré sa faiblesse, de la droite à la gauche, vers la brigade des Irlandais, recommandante toutes les troupes qu’il rencontrait en chemin de ne plus faire de fausses charges, et d’agir de concert.

Le duc de Biron, le comte d’Estrées, le marquis de Croissy, le comte de Lowendal, lieutenants généraux, dirigent cette attaque nouvelle. Cinq escadrons de Penthièvre suivent M. de Croissy et ses enfants. Les régiments de Chabrillant, de Brancas, de Brionne, Aubeterre, Courten, accoururent, guidés par leurs colonels ; le régiment de Normandie, des carabiniers, entrent dans les premiers rangs de la colonne, et vengent leurs camarades tués dans leur première charge. Les Irlandais les secondent. La colonne était attaquée à la fois de front et par les deux flancs.

En sept ou huit minutes, tout ce corps formidable est ouvert de tous côtés ; le général Posomby, le frère du comte d’Albemarle, cinq colonels, cinq capitaines aux gardes, un nombre prodigieux d’officiers étaient renversés morts. Les Anglais se rallièrent, mais ils cédèrent ; ils quittèrent le champ de bataille sans tumulte, sans confusion, et furent vaincus avec honneur.

Le roi de France allait de régiment en régiment ; les cris de victoire et de vive le roi, les chapeaux en l’air, les étendards et les drapeaux percés de balles, les félicitations réciproques des officiers, qui s’embrassaient, formaient un spectacle dont tout le monde jouissait avec une joie tumultueuse. Le roi était tranquille, témoignant sa satisfaction et sa reconnaissance à tous les officiers généraux, et à tous les commandants des corps ; il ordonna qu’on eût soin des blessés, et qu’on traitât les ennemis comme ses propres sujets.