Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/314

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fut pris par les Anglais. Il subit la même mort que son frère, et avec la même fermeté, en disant que le roi de France aurait soin de son fils. Ce jeune gentilhomme, qui n’était point né sujet du roi d’Angleterre, fut relâché et revint en France, où le roi exécuta en effet ce que son père s’était promis, en lui donnant une pension, à lui et à sa sœur.

Le dernier pair qui mourut par la main du bourreau fut le lord Lovat, âgé de quatre-vingts ans[1] ; c’était lui qui avait été le premier moteur de l’entreprise. Il en avait jeté les fondements dès l’année 1740 ; les principaux mécontents s’étaient assemblés secrètement chez lui ; il devait faire soulever les clans en 1743, lorsque le prince Charles-Édouard s’embarqua. Il employa, autant qu’il le put, les subterfuges des lois à défendre un reste de vie qu’il perdit enfin sur l’échafaud ; mais il mourut avec autant de grandeur d’âme qu’il avait mis dans sa conduite de finesse et d’art[2] : il prononça tout haut ce vers d’Horace avant de recevoir le coup :

Dulce et decorum est pro patria mori.
Od. ii, lib. III.

Ce qu’il y eut de plus étrange, et ce qu’on ne peut guère voir qu’en Angleterre, c’est qu’un jeune étudiant d’Oxford, nommé Painter, dévoué au parti jacobite et enivré de ce fanatisme qui produit tant de choses extraordinaires dans les imaginations ardentes, demanda à mourir à la place du vieillard condamné. Il fit les plus pressantes instances, qu’on n’eut garde d’écouter. Ce jeune homme ne connaissait point Lovat ; mais il savait qu’il avait été le chef de la conspiration, et le regardait comme un homme respectable et nécessaire.

Le gouvernement joignit aux vengeances du passé des précautions pour l’avenir ; il établit un corps de milices toujours subsistant vers les frontières d’Écosse. On dépouilla tous les seigneurs écossais de leurs droits de juridiction qui leur attachaient leurs tribus, et les chefs qui étaient demeurés fidèles furent indemnisés par des pensions et par d’autres avantages.

Dans les inquiétudes où l’on était en France sur la destinée du prince Édouard, on avait fait partir dès le mois de juin deux

  1. Voici l’inscription que lord Lovat fit mettre sur son cercueil : Simon dominus Lovat decollatus 20 aprilis an. 1747, ætatis suæ 80. (Cl.)
  2. Voltaire laisse entendre que sa conduite à l’égard de Charles-Édouard avait toujours été ambiguë, ce qui est vrai. Lovat fut condamné sur une lettre que livra John Murray. (G. A.)