Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/354

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Auguste, dans cette capitulation singulière, seul événement militaire entre lui et le roi de Prusse, demande seulement qu’on ne fît point ses gardes prisonniers. Frédéric répondit « qu’il ne pouvait écouter cette prière ; que ses gardes serviraient infailliblement contre lui, et qu’il ne voulait pas avoir la peine de les prendre une seconde fois ». Cette réponse fut une terrible leçon à tous les princes, qu’il faut se rendre puissant quand on a un voisin puissant.

Le roi de Pologne, ayant perdu ainsi son électorat et son armée, demanda des passe-ports à son ennemi pour aller en Pologne ; ils lui furent aisément accordés ; on eut la politesse insultante de lui fournir des chevaux de poste. Il alla de ses États héréditaires dans son royaume électif, où il ne trouva personne qui proposât même de s’armer pour secourir son roi. Tout l’électorat fut mis à contribution, et le roi de Prusse, en faisant la guerre, trouva dans les pays envahis de quoi la soutenir. La reine de Pologne ne suivit point son mari : elle resta dans Dresde ; le chagrin y termina bientôt sa vie. L’Europe plaignit cette famille infortunée ; mais, dans le cours de ces calamités publiques, un million de familles essuyaient des malheurs non moins grands, quoique plus obscurs. Les magistrats municipaux de Leipsick firent des remontrances sur les contributions que le vainqueur leur imposait ; ils se dirent dans l’impuissance de payer : on les mit en prison, et ils payèrent.

Jamais on ne donna tant de batailles que dans cette guerre. Les Russes entrèrent dans les États prussiens par la Pologne. Les Français, devenus auxiliaires de la reine de Hongrie, combattirent pour lui faire rendre cette même Silésie dont ils avaient contribué à la dépouiller quelques années auparavant, lorsqu’ils étaient les alliés du roi de Prusse. Le roi d’Angleterre, qu’on avait vu le partisan le plus déclaré de la maison d’Autriche, devint un de ses plus dangereux ennemis. La Suède, qui autrefois avait porté de si grands coups à cette maison impériale d’Autriche, la servit alors contre le roi de Prusse, moyennant neuf cent mille francs que le ministère français lui donnait ; et ce fut elle qui causa le moins de ravages.

L’Allemagne se vit déchirée par beaucoup plus d’armées nationales et étrangères qu’il n’y en eut dans la fameuse guerre de trente ans.

Tandis que les Ruisses venaient au secours de l’Autriche par la Pologne, les Français entraient par le duché de Clèves, et par Vésel, que les Prussiens abandonnèrent. Ils prirent toute la Hesse ; ils marchèrent vers le pays d’Hanovre, contre une armée d’An-