Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/46

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l’âge de vingt-trois ans, par son courage, et à l’aide d’une prophétesse qui le fit reconnaître sur un ordre exprès du Saint-Esprit. On le trouva à la tête de huit cents hommes qu’il enrégimentait, quand on lui proposa l’amnistie[1]. Il demanda des otages : on lui en donna. Il vint, suivi d’un des chefs, à Nîmes, où il traita avec le maréchal de Villars.

(1704) Il promit de former quatre régiments des révoltés, qui serviraient le roi sous quatre colonels, dont il serait le premier, et dont il nomma les trois autres. Ces régiments devaient avoir l’exercice libre de leur religion, comme les troupes étrangères à la solde de France ; mais cet exercice ne devait point être permis ailleurs.

On acceptait ces conditions, quand des émissaires de Hollande vinrent en empêcher l’effet avec de l’argent et des promesses. Ils détachèrent de Cavalier les principaux fanatiques[2] ; mais ayant donné sa parole au maréchal de Villars, il la voulut tenir. Il accepta le brevet de colonel, et commença à former son régiment avec cent trente hommes qui lui étaient affectionnés.

J’ai entendu souvent de la bouche du maréchal de Villars qu’il avait demandé à ce jeune homme comment il pouvait à son âge avoir eu tant d’autorité sur des hommes si féroces et si indisciplinables. Il répondit que, quand on lui désobéissait, sa prophétesse, qu’on appelait la grande Marie, était sur-le-champ inspirée, et condamnait à mort les réfractaires, qu’on tuait sans raisonner[3]. Ayant fait depuis la même question à Cavalier, j’en eus la même réponse.

Cette négociation singulière se faisait après la bataille d’Hochstedt. Louis XIV, qui avait proscrit le calvinisme avec tant de hauteur, fit la paix, sous le nom d’amnistie, avec un garçon bou-

  1. Cavalier a été le rival de Voltaire, et rival heureux. Ils aimèrent l’un et l’autre Mlle  Pimpette, fille de Mme  Dunoyer, et fille de beaucoup d’esprit et de coquetterie. Ce qui devait arriver arriva : le héros l’emporta sur le poëte, et la physionomie douce et agréable sur la physionomie égarée et méchante. (L.) — J’ai rapporté cette note de La Beaumelle parce qu’elle n’est pas rapportée textuellement par Voltaire, et parce qu’elle m’a paru nécessaire pour l’intelligence d’un passage du Supplément au Siècle de Louis XIV, deuxième partie. Cavalier, né à Ribaute, près d’Anduze, en 1679, est mort à Chelsea, près de Londres, en 1740. (B.)
  2. Entre autres Roland, qui fut tué quelque temps après en défendant le château de Castelnau. (G. A.)
  3. Ce trait doit se trouver dans les véritables Mémoires du maréchal de Villars. Le premier tome est certainement de lui : il est conforme au manuscrit que j’ai vu ; les deux autres sont d’une main étrangère et bien différente. (Note de Voltaire). — Cette note de Voltaire est la répétition de celle qu’il a mise, tome XIV, page 359 ; voyez, sur les Mémoires de Villars, la note, tome XIV, page 142.