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CHAPITRE III.


que le nouveau parlement n’avait rien des anciens que le nom : car si c’eût été un vrai parlement de la nation, ce qui est impossible, le roi n’aurait pu en exclure les évêques, qui, depuis Pepin, étaient en possession d’assister de droit à ces assemblées.

En un mot, un tribunal érigé pour juger les affaires contentieuses ne ressemble pas plus aux états généraux, aux comices, aux anciens parlements de la nation entière, qu’un préteur de Strasbourg ne ressemble aux préteurs de la république romaine, ou qu’un consul de la juridiction consulaire ne ressemble aux consuls de Rome.

Le même Philippe le Bel établit, comme on a vu[1], un parlement à Toulouse pour le pays de la langue de oc, comme, il en avait établi un pour la langue de oui. Peut-on dire que ces juridictions représentaient le corps de la nation française ? Il est vrai que le parlement de Toulouse n’eut pas lieu de longtemps : malgré l’ordonnance du roi, on ne trouva point assez d’argent pour payer les conseillers.

Il y avait déjà à Toulouse une chambre de parlement ou parloir, sous le comte de Poitiers, frère de saint Louis ; nouvelle preuve que les mêmes noms ne signifient pas les mêmes choses. Ces commissions étaient passagères comme toutes les autres. Ce parloir du comte de Poitiers, comte et pair de Toulouse, est appelé aussi chambre des comptes. Le prince de Toulouse, quand il était à Paris, faisait examiner ses finances à Toulouse. Or quel rapport peut-il se trouver entre quelques officiers d’un comte de Toulouse et les anciens parlements francs ? Ce ne fut que sous Charles VII que le parlement de Toulouse reçut sa perfection.

Enfin les grands jours de Troyes, établis aussi par Philippe le Bel, ayant une juridiction aussi pleine et aussi entière que le parlement de Paris, achèvent de prouver démonstrativement que c’est une équivoque puérile, une logomachie, un vrai jeu de mots, de prendre une cour de justice appelée parlement pour les anciens parlements de la nation française.

Nous avons encore l’ordonnance de Philippe le Long au sujet des requêtes du palais, de la chambre de parlement, et de celles des comptes du trésor ; en voici la traduction, telle qu’elle se trouve dans Pasquier :

« Philippe, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, faisons savoir à tous que nous avons fait extraire de nos ordonnances, faites par notre grand conseil, les articles ci-après

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