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DU PARLEMENT, ASSEMBLÉE DE JURISCONSULTES.


-Martin, arrêt dans lequel il n’est parlé que de l’ordre du roi, et point du tout de celui du pape : il ne participa ni à l’iniquité des supplices, ni à l’activité des procédures sacerdotales ; il ne se mêla que de la translation des biens d’un ordre à un autre ; et on voit que dès ce temps il soutint la dignité du trône contre l’autorité pontificale, maxime dans laquelle il a toujours persisté sans aucune interruption.



CHAPITRE V.


DU PARLEMENT DEVENU ASSEMBLÉE DE JURISCONSULTES, ET COMME ILS FURENT ASSESSEURS
EN COUR DES PAIRS.


Dans les horribles malheurs qui affligèrent la France sous Charles VI, toutes les parties de l’administration furent également abandonnées. On oublia même de renouveler les commissions aux juges du parlement, et ils se continuèrent eux-mêmes dans leurs fonctions, au lieu de les abandonner. C’est en quoi ils rendirent un grand service à l’État, ou du moins aux provinces de leur ressort, qui n’auraient plus eu aucun recours pour demander justice.

Ce fut dans ce temps-là même que les seigneurs qui étaient juges, obligés l’un après l’autre d’aller défendre leurs foyers à la tête de leurs vassaux, quittèrent le tribunal. Les jurisconsultes qui, dans la première institution, ne servaient qu’à les instruire, se mirent à leur place : ceux qui devinrent présidents prirent l’habit des anciens chevaliers ; les conseillers retinrent la robe des gradués, qui était serrée comme elle l’est encore en Espagne, et ils lui donnèrent ensuite plus d’ampleur.

Il est vrai qu’en succédant aux barons, aux chevaliers, aux seigneurs, qu’ils surpassaient en science, ils ne purent participer à leur noblesse: nulle dignité alors ne faisait un noble. Les premiers présidents Simon de Bussy, Bracq, Dauvet, les chanceliers mêmes Guillaume de Dormans et Arnaud de Corbie, furent obligés de se faire anoblir.

On peut dire que c’est une grande contradiction que ceux qui jugent souverainement les nobles ne jouissent pas des droits de la noblesse ; mais enfin telle fut leur condition dans un gou-