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CHAPITRE XVII.


C’est lui dont on prétend que les cheveux blanchirent en peu d’heures, après la lecture de son arrêt[1]. La tradition ajoute que François Ier ne lui sauva la vie que pour jouir de Diane de Poitiers, sa fille. Cette tradition serait bien plus vraisemblable que l’autre si Diane n’avait pas été alors un enfant de quatorze ans, qui n’avait pas encore paru à la cour[2].

Quant au connétable de Bourbon, le roi vint le juger lui-même au parlement, le 8 mars 1523, accompagné seulement de deux nouveaux pairs, un duc d’Alençon, et un duc de Bourbon-Vendôme ; les évêques de Langres et de Noyon furent les seuls pairs ecclésiastiques qui s’y trouvèrent : ils se retirèrent, ainsi que tous les conseillers-clercs, quand on alla aux opinions. Il fut seulement ordonné qu’on ajournerait le connétable à son de trompe.

Cette vaine cérémonie se fit à Lyon, parce que cette ville passait pour être la dernière du royaume du côté de l’Italie, le Dauphiné, qui appartenait au dauphin, n’étant pas regardé comme province du royaume.

Pendant qu’on faisait ces procédures, le connétable commandait déjà l’armée ennemie : il entrait en Provence pour répondre à son ajournement, et comparaissait en assiégeant Marseille. Le roi, irrité que le parlement de Paris n’eût pas jugé à mort tous les complices de ce prince, nomma un président de Toulouse avec cinq conseillers, deux présidents de Bordeaux et quatre conseillers, deux conseillers du grand conseil, et un président de Bretagne, pour juger avec le parlement de Paris le reste des accusés, auxquels on n’avait pas encore fait le procès. Nouvel exemple bien frappant de la variété des usages et des formes[3].

  1. Il n’eut sa grâce que sur l’échafaud, et resta malade d’une fièvre à laquelle on a donné le nom de Saint-Vallier, pour indiquer une fièvre causée par la peur. (B.)
  2. Le procès de Saint-Vallier est de 1523. Diane, sa fille, est morte le 26 avril 1566, âgée de soixante-six ans trois mois et vingt-sept jours, suivant Dreux du Radier ; ou de soixante-six ans vingt-sept jours, suivant Bayle (différence qui vient peut-être de ce que les mots trois mois auront été oubliés dans la note transmise à Bayle par un de ses amis). Mais Dreux du Radier, au lieu de porter la naissance de Diane au 3 septembre 1499, aurait dû la placer au 31 décembre 1499, ce qui n’a point encore été remarqué. La différence entre Dreux du Radier et Bayle n’est, au reste, que des trois mois. Diane avait donc vingt-trois ans, et non quatorze ans, lors de la condamnation de son père : elle était mariée depuis près de dix ans, ce qui contredit les paroles de Mézeray, qui prétend que François Ier n’accorda la grâce au père qu’après avoir pris de sa fille ce qu’elle avait de plus précieux. Dreux du Radier pense que Louis de Brézé, mari de Diane, n’eut point à se plaindre de la fidélité de sa femme. Ce ne fut qu’après son veuvage qu’elle devint la maîtresse de François Ier.
  3. Consultez les collections de Pierre Dupuy, garde de la Bibliothèque du roi,