Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/508

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
498
CHAPITRE XVIII.


principaux dogmes était la pauvreté, ou du moins la médiocrité évangélique, à laquelle ils voulurent réduire les prélats et les moines, les archevêques de Narbonne et de Lyon en firent brûler quelques-uns par leur seule autorité. Les papes ordonnèrent contre eux une croisade comme contre les Turcs et les Sarrasins ; on les extermina par le fer et par les flammes, et cent lieues de pays furent désolées.

Enfin les débauches, les assassinats et les empoisonnements du pape Alexandre VI, l’ambition guerrière de Jules II, la vie voluptueuse de Léon X, ses rapines pour fournir à ses plaisirs, et la vente publique des indulgences, soulevèrent une partie de l’Europe. Le mal était extrême, il fallait au moins une réforme : elle fut commencée, mais par une défection entière, en Allemagne, en Suisse, et à Genève.

François Ier lui-même, en favorisant les lettres, avait fait naître le crépuscule à la lueur duquel on commençait à voir en France tous les abus de l’Église ; mais il était toujours dans la nécessité de ménager le pape ainsi que le Turc, pour se soutenir contre l’empereur Charles-Quint, Cette politique l’engagea, malgré les supplications de sa sœur, la reine de Navarre, déjà calviniste, à faire brûler ceux qui seraient convaincus d’adhérer à la prétendue réforme. Il fit indiquer même, au commencement de 1535, par Jean du Bellai, évêque de Paris, une procession générale à laquelle il assista, une torche à la main, comme pour faire amende honorable des profanations des sectaires. L’évêque portait l’eucharistie ; le dauphin, les ducs d’Orléans, d’Angoulême et de Vendôme, tenaient les cordons du dais ; tous les ordres religieux et tout le clergé précédaient. On voyait les cardinaux, les évêques, les ambassadeurs, les grands officiers de la couronne, immédiatement après le roi. Le parlement, la chambre des comptes, toutes les autres compagnies fermaient la marche. On alla dans cet ordre à l’église de Notre-Dame, après quoi une partie de la procession se sépara pour aller à l’Estrapade voir brûler à petit feu six bourgeois que la chambre de la Tournelle du parlement avait condamnés le matin pour les opinions nouvelles. On les suspendait au bout d’une longue poutre, posée sur une poulie au-dessus d’un poteau de vingt pieds de haut, et on les faisait descendre à plusieurs reprises sur un large bûcher enflammé. Le supplice dura deux heures, et lassa jusqu’aux bourreaux et au zèle des spectateurs.

Les deux jésuites Maimbourg et Daniel rapportent, après Mézerai, que François Ier fit dresser, pendant cette exécution, un trône dans la salle de l’évêché, et qu’il y déclara, dans un discours