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SECONDE RÉGENCE DE CATHERINE DE MÉDICIS.


du premier volume. Ainsi les premiers états de Blois ont dit à peu près le contraire de ce qu’on veut leur faire dire. Il faut, en critiquant une histoire, citer juste et se mettre soi-même à l’abri de la critique ; il faut surtout considérer que c’était alors un temps de troubles et de factions.

Le roi, qui dans la décadence de ses affaires se consolait par les plaisirs, permit à des comédiens italiens, dont la troupe se nommait Gli Gelosi, d’ouvrir un théâtre à l’hôtel de Bourbon. Le parlement leur en fit défense sous peine de dix mille livres d’amende. Ils jouèrent malgré l’arrêt du parlement, en avril 1577, avec un concours prodigieux. On ne payait que quatre sous par place. Un fait si petit serait indigne de l’histoire s’il ne servait à prouver qu’alors l’influence de la cour de Rome avait mis la langue italienne à la mode dans Paris, que l’argent y était extrêmement rare, et que la simple volonté du roi suffisait pour rendre un arrêt du parlement inutile.

Henri III jouait alors une autre comédie. Il s’était enrôlé dans la confrérie des flagellants. On ne peut mieux faire que de rapporter les paroles d’Auguste de Thou. « Ces pénitents, dit-il, ont donné un sens détourné à ce passage des psaumes où David dit qu’il est soumis aux fléaux de la colère du Seigneur, quoniam ego in flagella paratus sum[1] ; et, dans leur mascarade, ils allaient se fouettant par les rues. »

Le parlement ne rendit point d’arrêt contre cet abus dangereux, autorisé malheureusement par le roi même. Le cardinal de Lorraine, qui avait assisté comme lui, pieds nus, à la première procession des flagellants, en 1574, en avait remporté une maladie qui l’avait mis au tombeau. Le roi se crut obligé de donner

    logie, dans les lois des républiques grecques, dans les coutumes des peuples barbares. La science retardait les progrès de la raison. Cependant on sentit aux états de Blois que le roi, n’étant pas obligé d’assembler les états généraux à des époques fixes, et conservant dans l’intervalle le pouvoir de faire des lois, il devenait absolu, à moins que les états ne donnassent à des corps perpétuels le droit de refuser ou de modifier les édits. On choisit les corps qui, composés de seigneurs, de prêtres et de gradués, étaient une image en raccourci des trois états du royaume. Si les parlements opposaient de la résistance à des édits justes et utiles à la nation, le roi pouvait appeler de leur refus aux états généraux. On est trop éclairé maintenant pour ne pas voir que ce système des états de Blois n’était propre qu’à faire de la France une aristocratie, gouvernement toujours d’autant plus tyrannique que les membres de l’aristocratie sont moins considérables par eux-mêmes. Il était plus simple de rendre les états généraux périodiques, et de ne regarder comme loi que ce qui serait adopté par eux. Si le duc de Guise eût voulu le bien de l’État il eût pu faire ce changement : mais il ne voulait qu’avilir Henri III, et flatter le parlement, dont il croyait avoir besoin. (K.)

  1. Psaume XXXVII, verset 18.