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CHAPITRE XXX.


cette farce au peuple pour imposer silence à la Ligue, qui commençait à se former, et au peuple, qui le croyait protecteur secret des hérétiques ; mais comme il mêlait à cette dévotion ridicule des débauches honteuses trop connues, il se rendit méprisable au peuple même qu’il voulait séduire. Il crut, lorsque la Ligue éclata, qu’il la contiendrait en se mettant lui-même à la tête ; mais il ne vit que c’était la confirmer solennellement, et lui donner des armes contre lui-même. Toutes ces démarches servirent à creuser son précipice : la Ligue l’obligea à tourner contre Henri de Navarre les armes qu’il aurait voulu employer contre elle.

Ce fut pendant cette guerre, et après la bataille de Coutras, que le prince Henri de Condé mourut empoisonné à Saint Jean-d’Angely en Saintonge. Le 5 mars 1588. Il faut voir sur cet empoisonnement avéré la lettre de Henri IV à la comtesse de Grammont, Corisande d’Andouin ; c’est un des monuments les plus précieux de ces temps horribles[1].

Le grand prévôt de Saint-Jean-d’Angely fit tirer à quatre chevaux le nommé Ancellin Brillant[2], ancien avocat au parlement de Bordeaux, et maître d’hôtel ou contrôleur du prince, convaincu d’avoir fourni le poison. On exécuta en effigie Belcastel, page de la princesse de Condé ; on mit en prison la princesse elle-même ; elle en appela à la cour des pairs. Elle fut longtemps prisonnière, et ce ne fut que sous le règne de Henri IV que le parlement, sans être assisté d’aucun pair, la déclara innocente.



CHAPITRE XXX.


ASSASSINAT DES GUISES. PROCÈS CRIMINEL COMMENCÉ CONTRE LE ROI HENRI III.


Le 9 mai 1588 fut la journée qu’on nomme des Barricades, qui eut de si étranges suites. Le duc de Guise était arrivé dans Paris malgré les ordres du roi, en prétextant qu’il ne les avait pas reçus. Henri III, dont les gardes avaient été désarmés et arrêtés,

  1. Les lettres de Henri IV sur cet événement se trouvent à la suite du chapitre CLXXIV de l’Essai sur les Mœurs, tome XII, page 564.
  2. C’est ainsi que le nomme Henri IV dans sa lettre. (Note de Voltaire.)