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CHAPITRE XXX.


de la couronne de France, tenants la cour de parlement à Paris, que, pour les causes, raisons et moyens ci-après déduits :

« Ledit Henri de Valois, pour raison du meurtre et assassinat commis ès illustrissimes personnes de messieurs les duc et cardinal de Guise, sera condamné, pour réparation dudit assassinat, à faire amende honorable, nu en chemise, la tête nue et pieds nus, la corde au col, assisté de l’exécuteur de la haute justice, tenant en sa main une torche ardente de trente livres, lequel dira et déclarera en l’assemblée des états, les deux genoux en terre, qu’à tort et sans cause, malicieusement et témérairement, il a commis ou fait commettre ledit assassinat aux dessusdits duc et cardinal de Guise, duquel il demandera pardon à Dieu, à la justice et aux états. Que dès à présent comme criminel et tel déclaré, il sera démis et déclaré indigne de la couronne de France, renonçant à tout tel droit qu’il y pourrait prétendre, et ce, pour les cas plus à plein mentionnés et déclarés au procès, dont il se trouvera bien et dûment atteint et convaincu ; outre qu’il sera banni et confiné à perpétuité au couvent et monastère des hiéronymites, assis près du bois de Vincennes, pour là y jeûner au pain et à l’eau le reste de ses jours. Ensemble condamné ès dépens ; et à ces fins disent, etc. Par ces moyens et autres que la cour de grâce pourra trop mieux suppléer, concluent les demandeurs avec dépens. Pour l’absence de l’avocat, signé : Chicot. »

Cette pièce est plus que suspecte. Bayle, en la citant[1] à l’article Henri de Guise, aurait dû, ce me semble, faire réflexion qu’elle n’est point tirée des registres du parlement, qu’elle n’est point signée d’un avocat, qu’on la suppose signée par Chicot : c’est le même nom que celui du fou du roi. Il n’y est point fait mention de la mère et de la veuve des princes assassinés. Il n’était point d’usage de spécifier au parlement les peines que la justice peut infliger contre un coupable. Enfin cette requête doit être plutôt considérée comme un libelle du temps que comme une pièce judiciaire. Elle sert seulement à faire voir quel était l’emportement des esprits dans ces temps déplorables[2].

  1. Dans son Dictionnaire historique et critique.
  2. Cette dernière pièce nous paraît une plaisanterie contre les ligueurs. Les protestants, presque toujours privés en France de la liberté de se défendre, firent un grand usage de ces pièces supposées, dont personne n’a été la dupe lorsqu’elles ont paru, mais dont plusieurs ont été recueillies depuis comme des pièces authentiques.

    Les deux autres pièces n’ont rien qui doive en faire soupçonner la vérité. Le duc de Guise avait été assassiné. N’eût-il été qu’un simple citoyen, le parlement devait faire le procès aux meurtriers. L'ordre du roi ne devait pas les mettre à l'abri de la condamnation. Ainsi le premier arrêt n'est qu'un acte de justice et de courage. Le second a pour objet la défense des lois du royaume et des droits du parlement. La duchesse de Clèves demandait que l'on poursuivît ceux qui avaient expédié et délivré la commission, ce qui était inculper les officiers de la chancellerie, et le secrétaire d'État qui avait signé cette commission. Le parlement eut la sagesse de ne point faire droit sur cette partie de la requête. ( K.)