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CHAPITRE XLVII.


de statuer sur un point que les états examinaient. Le parlement avait pris la sage précaution de se borner à renouveler les anciens arrêts : elle fut inutile ; une politique lâche l’emporta sur l’intérêt du roi et du royaume. On avait vu jusqu’alors en France de plus grandes calamités, mais jamais plus d’opprobre.

Cette honte ne fut effacée qu’en 1682, lorsque l’assemblée du clergé, inspirée par le grand Bossuet, arracha de ses registres la harangue de du Perron, et détruisit, autant qu’il était en elle, ce monument de bassesse et de perfidie[1].



CHAPITRE XLVII.

QUERELLE DU DUC D’ÉPERNON AVEC LE PARLEMENT. REMONTRANCES MAL REÇUES.

Pendant que ces derniers[2] états généraux étaient assemblés en vain, que cent intrigues opposées agitaient la cour, et que les

  1. Voici comment raisonnait du Perron : « La crainte de la mort n’arrête pas les fanatiques, c’est leur conscience qu’il faut détromper. » Mais une décision des états, adoptée même par le clergé, ne peut faire impression sur les fanatiques, s’ils ne la regardent pas comme une décision de l’Église universelle. Or l’article proposé par le tiers état comme une loi fondamentale contient trois parties ; la première, qu’il n’est pas permis d’assassiner les rois : toute l’Église en convient, c’est un article de foi ; — la deuxième, que l’autorité des rois de France est indépendante quant au temporel ; on en convient encore, selon du Perron ; mais pourtant ce n’est pas un article de foi ; — la troisième, qu’il n’y a aucun cas où les sujets puissent être dispensés du serment de fidélité ; ce point paraît contentieux à du Perron. D’abord, jusqu’à la venue de Calvin, on a cru, dans toute l’Église, qu’on était absous du serment de fidélité envers tout prince qui violait le serment, fait à Dieu et à son peuple, de vivre et mourir en la religion catholique, et qu’un tel prince pouvait être déclaré déchu de tous ses droits, comme coupable de félonie envers le Christ.

    Le principe qu’il n’est pas permis d’assassiner les rois perdrait sa force si on le mêlait avec une proposition problématique comme cette dernière. D’ailleurs, on ne pourrait adopter en France ce principe sans faire schisme avec le pape et le reste de l’Église catholique, qui croit le contraire. Enfin le tiers état, en proposant cette loi, attribuait aux personnes laïques le droit de juger des choses de la religion ; ce qui est un sacrilége. Nous ne ferons aucune réflexion sur ces principes, extraits fidèlement du discours de du Perron. (K.)

  2. Voyez la note, page 11.