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CHAPITRE XLVII.


Il vint donc se présenter au parlement une seconde fois[1], toujours accompagné d’un grand nombre de noblesse.

« Messieurs, dit-il, je vous prie d’excuser un pauvre capitaine d’infanterie, qui s’est plus appliqué à bien faire qu’à bien dire. »

Cet exemple fut une des preuves que les lois ne sont pas faites pour les hommes puissants. Le duc d’Épernon les brava toujours. Ce fut lui qui, à peu près dans le même temps, ne pouvant souffrir que le garde des sceaux du Vair précédât les ducs et pairs dans une cérémonie à la paroisse du Louvre, le prit rudement par le bras, et le fit sortir de sa place et de l’église, en lui disant qu’un bourgeois ne devait pas se méconnaître.

Ce fut lui qui, quelques années après, alla avec cent cinquante cavaliers enlever la reine mère au château de Blois, la conduisit à Angoulême, et traita ensuite avec le roi de couronne à couronne. Les exemples de pareilles témérités n’étaient pas rares alors. La France retombait insensiblement dans l’anarchie dont Henri IV l’avait tirée par tant de travaux et avec tant de sagesse.

Les états généraux n’avaient rien produit : les factions redoublaient. Le maréchal de Bouillon, qui voulait se faire un parti puissant, engagea le parlement à convoquer les princes et les pairs pour délibérer sur les affaires publiques. La reine, alarmée, défendit aux seigneurs d’accepter cette invitation dangereuse. Les présidents et les plus anciens conseillers furent mandés au Louvre. Le chancelier de Sillery leur dit ces paroles[2] : « Vous n’avez pas plus de droit de vous mêler de ce qui regarde le gouvernement que de connaître des comptes et des gabelles. » Le parlement prépara des remontrances[3]. La reine manda encore quarante magistrats au Louvre : « Le roi est votre maître, dit-elle, et il usera de son autorité si vous contrevenez à ses défenses. » Elle ajouta qu’il y avait dans le parlement une troupe de factieux ; elle défendit les remontrances, et aussitôt le parlement alla en dresser de très-fortes.

Le 22 mai[4], le premier président de Verdun vint les prononcer à la tête du parlement. Elles regardaient précisément le gouvernement de l’État : elles furent écoutées et négligées. Tout finit par enregistrer des lettres patentes du roi, qui ordonnaient aux juifs étrangers de sortir de la France. C’étaient pour

  1. 14 novembre 1614. (Note de Voltaire.)
  2. 9 avril 1615. (Id.)
  3. 11 avril 1615. (Id.)
  4. 1615. (Id.)