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HISTOIRE DE CHARLES XII.


Après la mort du roi on leva le siége de Frédrickhall ; tout changea dans un moment : les Suédois, plus accablés que flattés de la gloire de leur prince, ne songèrent qu’à faire la paix avec leurs ennemis, et à réprimer chez eux la puissance absolue dont le baron de Görtz leur avait fait éprouver l’excès. Les états élurent librement pour leur reine la princesse, sœur de Charles XII[1], et l’obligèrent solennellement de renoncer à tout droit héréditaire sur la couronne, afin qu’elle ne la tînt que des suffrages de la nation. Elle promit, par des serments réitérés, qu’elle ne tenterait jamais de rétablir le pouvoir arbitraire ; elle sacrifia depuis la jalousie de la royauté à la tendresse conjugale, en cédant la couronne à son mari[2], et elle engagea les états à élire ce prince, qui monta sur le trône aux mêmes conditions qu’elle.

Le baron de Görtz, arrêté immédiatement après la mort de Charles, fut condamné par le sénat de Stockholm à avoir la tête tranchée au pied de la potence de la ville : exemple de vengeance peut-être encore plus que de justice, et affront cruel à la mémoire d’un roi que la Suède admire encore[3].

FIN DE L’HISTOIRE DE CHARLES XII.

    sous silence. On garde à Stockholm le chapeau de Charles XII ; et la petitesse du trou dont il est percé est une des raisons de ceux qui veulent croire qu’il périt par un assassinat. (K.) — Las Cases, dans le Mémorial de Sainte-Hélène, dit qu’il tenait de la propre bouche de Gustave III que Charles avait été assassiné par les siens, que la balle était d’un pistolet, qu’elle avait été tirée de près, et par derrière. On avait fait l’autopsie du cadavre le 12 juillet 1746. — Voyez la note 3 de la page 348.

  1. Ulrique-Éléonore, morte le 5 décembre 1741, à cinquante-quatre ans.
  2. Frédéric de Hesse-Cassel, associé, avec l’agrément des états, au trône de Suède, le 4 avril 1720, mourut le 5 avril 1751, à soixante-quinze ans.
  3. Le baron de Görtz expia les fautes commises par Charles XII ; on l’accusa d’avoir été l’instigateur de toutes les mesures oppressives qui avaient accablé la Suède. Jugé par une commission spéciale, il se défendit avec noblesse, et, après un procès inique, il fut condamné et exécuté à Stockholm, le 2 mars 1719.

    Il est nécessaire d’ajouter quelques mots pour indiquer au moins le résultat de tant d’efforts et de tant d’intrigues : la mort de Charles XII confondit tous les projets de Görtz et d’Albéroni ; et de toute cette ligue terrible, à peine commencée, il ne resta de puissant que le czar. La Suède avait été épuisée par Charles XII, et le nouveau roi Frédéric fut heureux d’accepter la médiation du duc d’Orléans. Un congrès s’assembla à Nystadt en Finlande. On souscrivit à toutes les volontés de Pierre ; on lui céda la Livonie, l’Estonie, l’Ingrie, la Carélie, le pays de Viborg, les îles d’Œsel, Dago, etc. Il était maître de la Baltique. Des fêtes magnifiques signalèrent ce glorieux événement, et l’on décerna à Pierre les noms de Grand et de Père de la patrie. (L. G.) — Voyez l’ouvrage suivant.