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LA MÈRE ET LE FRÈRE DU ROI QUITTENT, ETC.


parlement se mirent à genoux[1] devant le roi. Le garde des sceaux Châteauneuf leur dit qu’il ne leur appartenait pas de délibérer sur les déclarations du roi. L’avocat général Talon ayant dit que la compagnie demeurerait dans l’obéissance dont elle avait toujours fait profession : « Ne me parlez pas de l’obéissance de vos gens, dit le roi ; si je voulais former quelqu’un à cette vertu, je le mettrais dans une compagnie de mes gardes, et non pas au parlement. »

Il exila Gayant, Barillon, Lenet ; il leur interdit pour cinq ans l’exercice de leur charge, et déchira lui-même l’arrêt de partage, dont il jeta les morceaux par terre.

La reine mère, avant de partir pour les Pays-Bas, implora le parlement comme son fils Gaston, et aussi inutilement. La compagnie n’osa recevoir ni ses lettres ni ses requêtes ; elle les fit imprimer ; on les trouve aujourd’hui dans les mémoires du temps. L’une de ces requêtes commence par ces mots :

« Supplie Marie, reine de France et de Navarre... disant qu’Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, par toutes sortes d’artifices et de malices étranges, tâche d’altérer, comme il avait déjà fait l’année passée, la santé du roi, l’engageant par ses mauvais conseils dans la guerre, l’obligeant à se trouver en personne dans les armées pleines de contagions, aux plus grandes chaleurs, et le jetant tant qu’il peut dans des passions et appréhensions extraordinaires contre ses plus proches et contre ses plus fidèles serviteurs, ayant dessein de s’emparer d’une bonne partie de l’État, remplissant les charges les plus importantes de ses créatures, et étant sur le point d’ajouter un grand nombre de places maritimes et frontières aux gouvernements de Bretagne et de Provence, pour tenir la France assiégée par ces deux extrémités, et pouvant, par ce moyen, avoir le secours des étrangers chez lesquels il a des intelligences secrètes. »

La requête finit par ces paroles : « Ladite dame reine vous supplie de faire vos très-humbles remontrances, tant sur le scandale que produisent les violences qui sont et pourront être faites à la personne de ladite dame reine contre l’honneur dû à son mariage, et à la naissance du roi, par un serviteur ingrat, que sur tout ce qui est contenu en la présente requête sur la dissipation des finances, et achats d’armes, places fortes et provinces entières, violements des lois de l’État, et d’autres faits qui vous

  1. Tous les mémoires du temps le certifient. Le président Hénault ne parle pas même de cet événement. (Note de Voltaire.)