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CHAPITRE L.


sont connus et publiés à tout le royaume : et vous ferez bien. Marie. »

Il n’y a point de lecteur qui ne voie que le ressentiment de Marie de Médicis l’emportait au delà de toute borne. On n’est pas d’ailleurs étonné qu’elle s’adresse en suppliante à ce même parlement qu’elle avait traité autrefois avec tant de hauteur ; elle avait parlé en souveraine quand elle était régente, et elle parle dans sa requête en femme infortunée.

Le cardinal fit ériger une chambre de justice à l’Arsenal pour condamner ceux que le parlement de Paris n’avait pas voulu condamner sans les entendre. Cette chambre était composée de deux conseillers d’État, de six maîtres des requêtes, et de six conseillers du grand conseil. Elle commença ses séances le 10 septembre 1631.

Le parlement lui défendit par un arrêt de s’assembler[1]. L’arrêt fut cassé, et le parlement obligé encore de venir demander pardon au roi à Metz, où il était alors. On le fit attendre quinze jours, on le réprimanda, et les arrêts de la chambre de l’Arsenal furent exécutés.

Ces vaines tentatives servirent à fortifier le pouvoir du cardinal, qui humilia tous les corps, tint la reine mère dans l’exil et dans la pauvreté jusqu’à sa mort, le frère du roi dans la crainte et le repentir, les princes du sang dans l’abaissement, et le roi, qui ne l’aimait pas, dans la dépendance de ses volontés. Aucun de ceux qui s’élevèrent contre lui ne fut condamné que par des commissaires ; il eut même l’insolence de faire juger à Ruel, dans sa propre maison de campagne, le maréchal de Marillac par des commissaires qui étaient ses esclaves ; et quand l’illustre Molé, alors procureur général, voulut agir pour le maintien des lois si indignement violées, le cardinal le fit décréter d’ajournement personnel au conseil, et l’interdit des fonctions de sa charge. Enfin il se fit détester de tous les corps de l’État ; mais le succès de presque toutes ses entreprises fit mêler le respect à la haine.


  1. 12 octobre 1031. (Note de Voltaire.)