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RÉFORME DANS L'ÉGLISE.


plus de condescendance aux monastères ; mais, pour la dignité de patriarche, elle n’a jamais été rétablie, les grands revenus du patriarcat ayant été employés au payement des troupes.

Ces changements excitèrent d’abord quelques murmures ; un prêtre écrivit que Pierre était l’Antéchrist, parce qu’il ne voulait point de patriarche ; et l’art de l’imprimerie, que le czar encourageait, servit à faire imprimer contre lui des libelles ; mais aussi un autre prêtre répondit que ce prince ne pouvait être l’Antéchrist, parce que le nombre de 666 ne se trouvait pas dans son nom, et qu’il n’avait point le signe de la bête. Les plaintes furent bientôt réprimées[1]. Pierre, en effet, donna bien plus à son Église qu’il ne lui ôta : car il rendit peu à peu le clergé plus régulier et plus savant. Il a fondé à Moscou trois colléges où l’on apprend les langues, et où ceux qui se destinaient à la prêtrise étaient obligés d’étudier.

Une des réformes les plus nécessaires était l’abolition ou du moins l’adoucissement de quatre grands carêmes : ancien assujettissement de l’Église grecque, aussi pernicieux pour ceux qui travaillent aux ouvrages publics, et surtout pour les soldats, que le fut l’ancienne superstition des Juifs de ne point combattre le jour du sabbat. Aussi le czar dispensa-t-il au moins ses troupes et ses ouvriers de ces carêmes, dans lesquels d’ailleurs, s’il n’était pas permis de manger, il était d’usage de s’enivrer. Il les dispensa même de l’abstinence les jours maigres ; les aumôniers de vaisseau et de régiment furent obligés d’en donner l’exemple, et le donnèrent sans répugnance.

Le calendrier était un objet important. L’année fut autrefois réglée dans tous les pays de la terre par les chefs de la religion, non-seulement à cause des fêtes, mais parce que anciennement l’astronomie n’était guère connue que des prêtres. L’année commençait au premier de septembre chez les Russes ; il ordonna que désormais l’année commencerait au premier de janvier, comme dans notre Europe. Ce changement fut indiqué pour l’année 1700, à l’ouverture du siècle, qu’il fit célébrer par un jubilé et par de grandes solennités. La populace admirait comment le czar avait pu changer le cours du soleil. Quelques obstinés, persuadés que Dieu avait créé le monde en septembre, continuèrent leur ancien style ; mais il changea dans les bureaux, dans les chancelleries, et bientôt dans tout l’empire. Pierre n’adoptait pas le calendrier grégorien

  1. Voltaire a dit, dans L’Histoire de Charles XII (voyez dans ce volume, page 160), quel fut le moyen de répression qu’employa Pierre Ier.