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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE XIII.


les chantiers d’Olonitz entre le lac Ladoga et celui d’Onega. Il avait établi dans cette ville des fabriques d’armes ; tout y respirait la guerre, tandis qu’il faisait fleurir à Moscou les arts de la paix : une source d’eaux minérales, découverte depuis dans Olonitz, augmenta sa célébrité. D’Olonitz il alla fortifier Schlusselbourg.

Nous avons déjà dit[1] qu’il avait voulu passer par tous les grades militaires : il était lieutenant des bombardiers sous le prince Menzikoff, avant que ce favori eût été fait gouverneur de Schlusselbourg. Il prit alors la place de capitaine, et servit sous le maréchal Sheremetof.

Il y avait une forteresse importante près du lac Ladoga, nommée Niantz ou Nya, près de la Neva. Il était nécessaire de s’en rendre maître, pour s’assurer ses conquêtes et pour favoriser ses desseins. Il fallut l’assiéger par terre, et empêcher que les secours ne vinssent par eau. Le czar se chargea lui-même de conduire des barques chargées de soldats, et d’écarter les convois des Suédois. Sheremetof conduisit les tranchées ; la citadelle se rendit[2]. Deux vaisseaux suédois abordèrent trop tard pour la secourir ; le czar les attaqua avec ses barques, et s’en rendit maître. Son journal porte que, pour récompense de ce service, « le capitaine des bombardiers[3] fut créé chevalier de l’ordre de Saint-André par l’amiral Gollovin, premier chevalier de l’ordre ».

Après la prise du fort de Nya, il résolut enfin de bâtir sa ville de Pétersbourg, à l’embouchure de la Néva, sur le golfe de Finlande.

Les affaires du roi Auguste étaient ruinées ; les victoires consécutives des Suédois en Pologne avaient enhardi le parti contraire, et ses amis mêmes l’avaient forcé de renvoyer au czar environ vingt mille Russes dont son armée était fortifiée. Ils prétendaient par ce sacrifice ôter aux mécontents le prétexte de se joindre au roi de Suède ; mais on ne désarme ses ennemis que par la force, et on les enhardit par la faiblesse. Ces vingt mille hommes, que Patkul avait disciplinés, servirent utilement dans la Livonie et dans l’Ingrie pendant qu’Auguste perdait ses États. Ce renfort, et surtout la possession de Nya, mirent le czar en état de fonder sa nouvelle capitale.

Ce fut donc dans ce terrain désert et marécageux, qui ne com-

  1. Page 445.
  2. 12 mai. (Note de Voltaire.)
  3. C’est-à-dire Pierre lui-même.