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CONQUÊTES DE PIERRE LE GRAND.


des excuses publiques par une ambassade solennelle. M. de Withworth, choisi pour cette cérémonie[1], commença sa harangue par ces mots : Très-haut et très-puissant empereur. Il lui dit qu’on avait mis en prison ceux qui avaient osé arrêter son ambassadeur, et qu’on les avait déclarés infâmes ; il n’en était rien, mais il suffisait de le dire, et le titre d’empereur, que la reine ne lui donnait pas avant la bataille de Pultava, marquait assez la considération qu’il avait en Europe[2]. On lui donnait déjà communément ce titre en Hollande ; et non-seulement ceux qui l’avaient vu travailler avec eux dans les chantiers de Sardam, et qui s’intéressaient davantage à sa gloire, mais tous les principaux de l’État l’appelaient à l’envi du nom d’empereur, et célébraient sa victoire par des fêtes en présence du ministre de Suède.

Cette considération universelle qu’il s’était donnée par sa victoire, il l’augmentait en ne perdant pas un moment pour en profiter. Elbing est d’abord assiégée ; c’est une ville anséatique de la Prusse royale, en Pologne ; les Suédois y avaient encore une garnison. Les Russes montent à l’assaut[3], entrent dans la ville, et la garnison se rend prisonnière de guerre : cette place était un des grands magasins de Charles XII ; on y trouva cent quatre-vingt-trois canons de bronze, et cent cinquante-sept mortiers. Aussitôt Pierre se hâte d’aller de Moscou à Pétersbourg : à peine arrivé[4], il s’embarque sous sa nouvelle forteresse de Cronslot, côtoie les côtes de la Carélie, et, malgré une violente tempête, il amène sa flotte devant Vibourg, la capitale de la Carélie en Finlande, tandis que ses troupes de terre approchent sur des marais glacés : la ville est investie, et le blocus de la capitale de la Livonie est resserré. Vibourg se rend[5] bientôt après la brèche faite, et une garnison, composée d’environ quatre mille hommes, capitule, mais sans pouvoir obtenir les honneurs de la guerre ; elle fut faite prisonnière malgré la capitulation. Pierre se plaignait de plusieurs infractions de la part des Suédois ; il promit de rendre la liberté à ces troupes quand les Suédois auraient satisfait à ses plaintes ; il fallut, sur cette affaire, demander les ordres du roi de Suède, toujours inflexible ; et ces soldats, que Charles aurait pu délivrer, restèrent captifs. C’est ainsi que le prince d’Orange, roi d’Angleterre, Guil-

  1. 16 février. (Note de Voltaire.)
  2. Le gouvernement anglais ne fit cette démarche humiliante que dans un intérêt mercantile. (G. A.)
  3. 11 mars. (Note de Voltaire.)
  4. 2 avril. (Id.)
  5. 23 juin. (Id.)