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DE LA RELIGION.


l’Église fait partie. Il fut aidé, dans cette entreprise, par un archevêque de Novogorod, nommé Théophane Procop ou Procopvitz, c’est-à-dire fils de Procop.

Ce prélat était savant et sage ; ses voyages en diverses parties de l’Europe l’avaient instruit des abus qui y règnent ; le czar, qui en avait été témoin lui-même, avait dans tous ses établissements ce grand avantage de pouvoir, sans contradiction, choisir l’utile et éviter le dangereux. Il travailla lui-même, en 1718 et 1719, avec cet archevêque. Un synode perpétuel fut établi, composé de douze membres, soit évêques, soit archimandrites, tous choisis par le souverain. Ce collége fut augmenté depuis jusqu’à quatorze.

Les motifs de cet établissement furent expliqués par le czar dans un discours préliminaire ; le plus remarquable, et le plus grand de ces motifs, est : « Qu’on n’a point à craindre, sous l’administration d’un collége de prêtres, les troubles et les soulèvements qui pourraient arriver sous le gouvernement d’un seul chef ecclésiastique ; que le peuple, toujours enclin à la superstition, pourrait, en voyant d’un côté un chef de l’État, et de l’autre un chef de l’Église, imaginer qu’il y a en effet deux puissances. » Il cite sur ce point important l’exemple des longues divisions entre l’empire et le sacerdoce, qui ont ensanglanté tant de royaumes.

Il pensait et il disait publiquement que l’idée des deux puissances, fondée sur l’allégorie de deux épées qui se trouvèrent chez les apôtres, était une idée absurde.

Le czar attribua à ce tribunal le droit de régler toute la discipline ecclésiastique, l’examen des mœurs et de la capacité de ceux qui sont nommés aux évêchés par le souverain, le jugement définitif des causes religieuses dans lesquelles on appelait autrefois au patriarche, la connaissance des revenus des monastères et des distributions des aumônes.

Cette assemblée eut le titre de très-saint synode, titre qu’avaient pris les patriarches. Ainsi le czar rétablit en effet la dignité patriarcale, partagée en quatorze membres, mais tous dépendants du souverain, et tous faisant serment de lui obéir, serment que les patriarches ne faisaient pas. Les membres de ce sacré synode assemblés avaient le même rang que les sénateurs ; mais aussi ils dépendaient du prince, ainsi que le sénat.

Cette nouvelle administration et le nouveau code ecclésiastique ne furent en vigueur et ne reçurent une forme constante que quatre ans après, en l’année 1722. Pierre voulut d’abord que le synode lui présentât ceux qu’il jugerait les plus dignes des prélatures. L’empereur choisissait un évêque, et le synode le sacrait.