Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
ALLÉGORIES.

des victimes signifie l’Église, et la queue est le symbole de la persévérance.

Saint Augustin, dans son sermon sur la différence et l’accord des deux généalogies, explique à ses auditeurs pourquoi saint Matthieu, en comptant quarante-deux quartiers, n’en rapporte cependant que quarante et un. C’est, dit-il, qu’il faut compter Jéchonias deux fois, parce que Jéchonias alla de Jérusalem à Babylone. Or ce voyage est la pierre angulaire ; et si la pierre angulaire est la première du côté d’un mur, elle est aussi la première du côté de l’autre mur : on peut compter deux fois cette pierre ; ainsi on peut compter deux fois Jéchonias. Il ajoute qu’il ne faut s’arrêter qu’au nombre de quarante, dans les quarante-deux générations, parce que ce nombre de quarante signifie la vie. Dix figure la béatitude, et dix multiplié par quatre, qui représente les quatre éléments et les quatre saisons, produit quarante.

Les dimensions de la matière ont, dans son cinquante-troisième sermon, d’étonnantes propriétés. La largeur est la dilatation du cœur ; la longueur, la longanimité ; la hauteur, l’espérance ; la profondeur, la foi. Ainsi, outre cette allégorie, on compte quatre dimensions de la matière au lieu de trois.

Il est clair et indubitable, dit-il dans son sermon sur le psaume 6, que le nombre de quatre figure le corps humain, à cause des quatre éléments et des quatre qualités, du chaud, du froid, du sec et de l’humide ; et comme quatre se rapportent au corps, trois se rapportent à l’âme, parce qu’il faut aimer Dieu d’un triple amour, de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Quatre ont rapport au vieux Testament, et trois au nouveau. Quatre et trois font le nombre de sept jours, et le huitième est celui du jugement.

On ne peut dissimuler qu’il règne dans ces allégories une affectation peu convenable à la véritable éloquence. Les Pères qui emploient quelquefois ces figures écrivaient dans un temps et dans des pays où presque tous les arts dégénéraient ; leur beau génie et leur érudition se pliaient aux imperfections de leur siècle, et saint Augustin n’en est pas moins respectable pour avoir payé ce tribut au mauvais goût de l’Afrique et du IVe siècle.

Ces défauts ne défigurent point aujourd’hui les discours de nos prédicateurs. Ce n’est pas qu’on ose les préférer aux Pères ; mais le siècle présent est préférable aux siècles dans lesquels les Pères écrivaient. L’éloquence, qui se corrompit de plus en plus, et qui ne s’est rétablie que dans nos derniers temps, tomba après eux dans de bien plus grands excès : on ne parla que ridiculement