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ATHÉISME.

Notre grand-chancelier de L’Hospital se déclare-t-il contre les persécutions, on l’accuse aussitôt d’athéisme[1], Homo doctus, sed verus atheus. Un jésuite autant au-dessous d’Aristophane qu’Aristophane est au-dessous d’Homère, un malheureux dont le nom est devenu ridicule parmi les fanatiques mêmes, le jésuite Garasse en un mot, trouve partout des athéistes ; c’est ainsi qu’il nomme tous ceux contre lesquels il se déchaîne. Il appelle Théodore de Cèze athéiste ; c’est lui qui a induit le public en erreur sur Vanini[2].

La fin malheureuse de Vanini ne nous émeut point d’indignation et de pitié comme celle de Socrate, parce que Vanini n’était qu’un pédant étranger sans mérite ; mais enfin Vanini n’était point athée comme on l’a prétendu : il était précisément tout le contraire.

C’était un pauvre prêtre napolitain, prédicateur et théologien de son métier, disputeur à outrance sur les quiddités et sur les universaux, et utrum chimera bombinans in vacuo possit comedere secundas intentiones. Mais d’ailleurs, il n’y avait en lui veine qui tendît à l’athéisme. Sa notion de Dieu est de la théologie la plus saine et la plus approuvée. « Dieu est son principe et sa fin, père de l’un et de l’autre, et n’ayant besoin ni de l’un ni de l’autre ; éternel sans être dans le temps, présent partout sans être en aucun lieu. Il n’y a pour lui ni passé ni futur ; il est partout et hors de tout, gouvernant tout, et ayant tout créé, immuable, infini sans parties ; son pouvoir est sa volonté, etc. » Cela n’est pas bien philosophique, mais cela est de la théologie la plus approuvée.

Vanini se piquait de renouveler ce beau sentiment de Platon, embrassé par Averroës, que Dieu avait créé une chaîne d’êtres depuis le plus petit jusqu’au plus grand, dont le dernier chaînon est attaché à son trône éternel : idée, à la vérité, plus sublime que vraie, mais qui est aussi éloignée de l’athéisme que l’être du néant.

Il voyagea pour faire fortune et pour disputer ; mais malheureusement la dispute est le chemin opposé à la fortune : on se fait autant d’ennemis irréconciliables qu’on trouve de savants ou de pédants contre lesquels on argumente. Il n’y eut point d’autre source du malheur de Vanini : sa chaleur et sa grossièreté dans

  1. Commentarium rerum gallicarum, lib. XXVIII. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez aussi sur Vanini la troisième des Lettres à Son Altesse monseigneur le prince de Brunswick (Mélanges, année 1767), où Voltaire avait reproduit douze alinéas de cet article, à partir de celui qui commence par Franchissons, etc.