Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
497
AUTEURS.

qui recueillit ce qu’il avait entendu dire, et qui dédie son livre à Théophile, ne l’intitule point Évangile de Luc. Il n’y a que saint Jean qui se nomme dans l’Apocalypse, et c’est ce qui fit soupçonner que ce livre était de Cérinthe, qui prit le nom de Jean pour autoriser cette production.

Quoi qu’il en puisse être des siècles passés, il me paraît bien hardi dans ce siècle de mettre son nom et ses titres à la tête de ses œuvres. Les évêques n’y manquent pas, et dans les gros in-quarto qu’ils nous donnent sous le titre de Mandements, on remarque d’abord leurs armoiries avec de beaux glands ornés de houpes ; ensuite il est dit un mot de l’humilité chrétienne, et ce mot est suivi quelquefois d’injures atroces contre ceux qui sont, ou d’une autre communion, ou d’un autre parti. Nous ne parlons ici que des pauvres auteurs profanes. Le duc de La Rochefoucauld n’intitula point ses Pensées, par Monseigneur le duc de La Rochefoucauld, pair de France, etc.

Plusieurs personnes trouvent mauvais qu’une compilation dans laquelle il y a de très-beaux morceaux soit annoncée par Monsieur, etc., ci-devant professeur de l’Université, docteur en théologie, recteur, précepteur des enfants de M. le duc de..., membre d’une académie, et même de deux. Tant de dignités ne rendent pas le livre meilleur. On souhaiterait qu’il fût plus court, plus philosophique, moins rempli de vieilles fables ; à l’égard des titres et qualités, personne ne s’en soucie.

L’épître dédicatoire n’a été souvent présentée que par la bassesse intéressée à la vanité dédaigneuse :

De là vient cet amas d’ouvrages mercenaires ;
Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,
Où toujours le héros passe pour sans pareil,
Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil.

Qui croirait que Rohault, soi-disant physicien, dans sa dédicace au duc de Guise, lui dit que « ses ancêtres ont maintenu aux dépens de leur sang les vérités politiques, les lois fondamentales de l’État, et les droits des souverains » ? Le Balafré et le duc de Mayenne seraient un peu surpris si on leur lisait cette épître. Et que dirait Henri IV ?

On ne sait pas que la plupart des dédicaces, en Angleterre, ont été faites pour de l’argent, comme les capucins chez nous viennent présenter des salades, à condition qu’on leur donnera pour boire.

Les gens de lettres, en France ignorent aujourd’hui ce hon-