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AVIGNON.

drale de Paris. Il fut forcé de payer dix mille marcs d’argent au légat, deux mille à l’abbaye de Cîteaux, cinq cents à l’abbaye de Clervaux, mille à celle de Grand-Selve, trois cents à celle de Belleperche, le tout pour le salut de son âme, comme il est spécifié dans le traité. C’était ainsi que l’Église négociait toujours.

Il est très-remarquable que, dans l’instrument de cette paix, le comte de Toulouse met toujours le légat avant le roi. « Je jure et promets au légat et au roi d’observer de bonne foi toutes ces choses, et de les faire observer par mes vassaux et sujets, etc. »

Ce n’était pas tout ; il céda au pape Grégoire IX le comtat Venaissin au delà du Rhône, et la suzeraineté de soixante et treize châteaux en deçà. Le pape s’adjugea cette amende par un acte particulier, ne voulant pas que, dans un instrument public, l’aveu d’avoir exterminé tant de chrétiens pour ravir le bien d’autrui parût avec trop d’éclat. Il exigeait d’ailleurs ce que Raimond ne pouvait lui donner sans le consentement de l’empereur Frédéric II. Les terres du comte, à la gauche du Rhône, étaient un fief impérial. Frédéric II ne ratifia jamais cette extorsion.

Alfonse, frère de saint Louis, ayant épousé la fille de ce malheureux prince, et n’en ayant point eu d’enfants, tous les États de Raimond VII en Languedoc furent réunis à la couronne de France, ainsi qu’il avait été stipulé par le contrat de mariage.

Le comtat Venaissin, qui est dans la Provence, avait été rendu avec magnanimité par l’empereur Frédéric II au comte de Toulouse. Sa fille Jeanne, avant de mourir, en avait disposé par son testament en faveur de Charles d’Anjou, comte de Provence et roi de Naples.

Philippe le Hardi, fils de saint Louis, pressé par le pape Grégoire X, donna le Venaissin à l’Église romaine en 1274. Il faut avouer que Philippe le Hardi donnait ce qui ne lui appartenait point du tout ; que cette cession était absolument nulle, et que jamais acte ne fut plus contre toutes les lois.

Il en est de même de la ville d’Avignon. Jeanne de France, reine de Naples, descendante du frère de saint Louis, accusée, avec trop de vraisemblance, d’avoir fait étrangler son mari, voulut avoir la protection du pape Clément VI, qui siégeait alors dans la ville d’Avignon, domaine de Jeanne. Elle était comtesse de Provence. Les Provençaux lui firent jurer en 1347, sur les Évangiles, qu’elle ne vendrait aucune de ses souverainetés. À peine eut-elle fait son serment qu’elle alla vendre Avignon au pape. L’acte authentique ne fut signé que le 14 juin 1348 ; on y stipula, pour prix de la vente, la somme de quatre-vingt mille