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BEKKER.

On est obligé d’avouer que les Juifs n’ont jamais parlé de la chute des anges dans l’Ancien Testament ; mais il en est question dans le Nouveau.

On attribua, vers le temps de l’établissement du christianisme, un livre à Énoch, septième homme après Adam, concernant le diable et ses associés. Énoch dit que le chef des anges rebelles était Sémiazas ; qu’Araciel, Atarcuph, Sampsich, étaient ses lieutenants[1] ; que les capitaines des anges fidèles étaient Raphaël, Gabriel, Uriel, etc. ; mais il ne dit point que la guerre se fît dans le ciel ; au contraire, on se battit sur une montagne de la terre, et ce fut pour des filles. Saint Jude cite ce livre dans son Épître : « Dieu a gardé, dit-il, dans les ténèbres, enchaînés jusqu’au jugement du grand jour, les anges qui ont dégénéré de leur origine et qui ont abandonné leur propre demeure. Malheur à ceux qui ont suivi les traces de Caïn, desquels Énoch, septième homme après Adam, a prophétisé. »

Saint Pierre, dans sa seconde Épître[2] fait allusion au livre d’Énoch, en s’exprimant ainsi : « Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché ; mais il les a jetés dans le Tartare avec des câbles de fer. »

Il était difficile que Bekker résistât à des passages si formels[3]. Cependant il fut encore plus inflexible sur les diables que sur les anges : il ne se laissa point subjuguer par le livre d’Énoch, septième homme après Adam ; il soutint qu’il n’y avait pas plus de diable que de livre d’Énoch. Il dit que le diable était une imitation de l’ancienne mythologie ; que ce n’est qu’un réchauffé, et que nous ne sommes que des plagiaires.

On peut demander aujourd’hui pourquoi nous appelons Lucifer l’esprit malin, que la traduction hébraïque et le livre attribué à Énoch appellent Semiaxah, ou, si on veut, Semexiah ? C’est que nous entendons mieux le latin que l’hébreu.

On a trouvé dans Isaïe une parabole contre un roi de Babylone. Isaïe lui-même l’appelle parabole. Il dit, dans son quatorzième chapitre[4], au roi de Babylone : « À ta mort on a chanté à gorge déployée ; les sapins se sont réjouis ; tes commis ne vien-

  1. On a donné la liste des autres anges principaux à l’article Ange, première section, page 249.
  2. II, 4.
  3. Dans l’édition de 1770 des Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, les sept lignes qui suivent n’existaient pas : après le mot formels, on lisait : On peut demander. L’addition des sept lignes est de 1774. (B.)
  4. Versets 7-12.