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CÉRÉMONIES.

qui n’ont pas eu la moindre teinture des arts utiles ou agréables ne méritent pas plus nos recherches que les porcs et les ânes qui ont habité leur pays.

On dit que vous étiez anthropophages ; mais qui ne l’a pas été ?

On me parle de vos druides, qui étaient de très-savants prêtres : allons donc à l’article Druides.


CÉRÉMONIES, TITRES, PRÉÉMINENCE[1], ETC.


Toutes ces choses, qui seraient inutiles, et même fort impertinentes dans l’état de pure nature, sont fort utiles dans l’état de notre nature corrompue et ridicule.

Les Chinois sont de tous les peuples celui qui a poussé le plus loin l’usage des cérémonies : il est certain qu’elles servent à calmer l’esprit autant qu’à l’ennuyer. Les portefaix, les charretiers chinois, sont obligés, au moindre embarras qu’ils causent dans les rues, de se mettre à genoux l’un devant l’autre, et de se demander mutuellement pardon selon la formule prescrite. Cela prévient les injures, les coups, les meurtres ; ils ont le temps de s’apaiser, après quoi ils s’aident mutuellement.

Plus un peuple est libre, moins il a de cérémonies, moins de titres fastueux, moins de démonstrations d’anéantissement devant son supérieur. On disait à Scipion : Scipion ; et à César : César ; et dans la suite des temps on dit aux empereurs : Votre majesté, votre divinité.

Les titres de saint Pierre et de saint Paul étaient Pierre et Paul. Leurs successeurs se donnèrent réciproquement le titre de votre sainteté, que l’on ne voit jamais dans les Actes des apôtres, ni dans les écrits des disciples.

Nous lisons dans l’Histoire d’Allemagne que le dauphin de France, qui fut depuis le roi Charles V, alla vers l’empereur Charles IV à Metz, et qu’il passa après le cardinal de Périgord.

Il fut ensuite un temps où les chanceliers eurent la préséance sur les cardinaux, après quoi les cardinaux remportèrent sur les chanceliers.

Les pairs précédèrent en France les princes du sang, et ils marchèrent tous en ordre de pairie jusqu’au sacre de Henri III.

  1. Sauf les alinéas pénultième et antépénultième, ce morceau est ici tel qu’on le lit dans les Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770 ; mais la majeure partie avait paru longtemps auparavant, comme on le verra. (B.)