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CÉRÉMONIES.

La dignité de la pairie était avant ce temps si éminente qu’à la cérémonie du sacre d’Élisabeth, épouse de Charles IX, en 1571, décrite par Simon Bouquet, échevin de Paris, il est dit que « les dames et damoiselles de la reine ayant baillé à la dame d’honneur le pain, le vin, et le cierge avec l’argent pour l’offerte, pour être présentés à la reine par ladite dame d’honneur, cette dite dame d’honneur, pour ce qu’elle était duchesse, commanda aux dames d’aller porter elles-mêmes l’offerte aux princesses, etc. » Cette dame d’honneur était la connétable de Montmorency.

[1] Le fauteuil à bras, la chaise à dos, le tabouret, la main droite et la main gauche, ont été pendant plusieurs siècles d’importants objets de politique, et d’illustres sujets de querelles. Je crois que l’ancienne étiquette concernant les fauteuils vient de ce que chez nos barbares de grands-pères il n’y avait qu’un fauteuil tout au plus dans une maison, et ce fauteuil même ne servait que quand on était malade. Il y a encore des provinces d’Allemagne et d’Angleterre où un fauteuil s’appelle une chaise de doléance.

Longtemps après Attila et Dagobert, quand le luxe s’introduisit dans les cours, et que les grands de la terre eurent deux ou trois fauteuils dans leurs donjons, ce fut une belle distinction de s’asseoir sur un de ces trônes ; et tel seigneur châtelain prenait acte comment, ayant été à demi-lieue de ses domaines faire sa cour à un comte, il avait été reçu dans un fauteuil à bras.

On voit par les Mémoires de Mademoiselle, que cette auguste princesse passa un quart de sa vie dans les angoisses mortelles des disputes pour des chaises à dos. Devait-on s’asseoir dans une certaine chambre sur une chaise, ou sur un tabouret, ou même ne point s’asseoir ? Voilà ce qui intriguait toute une cour. Aujourd’hui les mœurs sont plus unies ; les canapés et les chaises longues sont employés par les dames, sans causer d’embarras dans la société.

Lorsque le cardinal de Richelieu traita du mariage de Henriette de France et de Charles Ier avec les ambassadeurs d’Angleterre, l’affaire fut sur le point d’être rompue pour deux ou trois pas de plus que les ambassadeurs exigeaient auprès d’une porte, et le cardinal se mit au lit pour trancher toute difficulté. L’histoire a soigneusement conservé cette précieuse circonstance. Je crois que si on avait proposé à Scipion de se mettre nu entre deux

  1. Les dix alinéas qui suivent, moins celui que je désigne, ont paru en 1754 dans le tome X de l’édition des Œuvres de Voltaire, publiée à Dresde ; ils étaient intitulés Des Cérémonies. (B.)