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DENIS (SAINT).

dinal Baronius prouve qu’il en avait cent dix[1], en quoi il est suivi par Ribadeneira, savant auteur de la Fleur des saints. C’est sur quoi nous ne prenons point de parti.

On lui attribue dix-sept ouvrages, dont malheureusement nous avons perdu six. Les onze qui nous restent ont été traduits du grec par Jean Scot, Hugues de Saint-Victor, Albert dit le Grand, et plusieurs autres savants illustres.

Il est vrai que depuis que la saine critique s’est introduite dans le monde, on est convenu que tous les livres qu’on attribue à Denis furent écrits par un imposteur l’an 362 de notre ère[2], et il ne reste plus sur cela de difficultés.


DE LA GRANDE ÉCLIPSE OBSERVÉE PAR DENIS.


Ce qui a surtout excité une grande querelle entre les savants, c’est ce que rapporte un des auteurs inconnus de la Vie de saint Denis. On a prétendu que ce premier évêque de Paris étant en Égypte dans la ville de Diospolis, ou No-Ammon, à l’âge de vingt-cinq ans, et n’étant pas encore chrétien, il y fut témoin, avec un de ses amis, de la fameuse éclipse du soleil arrivée dans la pleine lune à la mort de Jésus-Christ, et qu’il s’écria en grec : Ou Dieu pâtit, ou il s’afflige avec le patient.

Ces paroles ont été diversement rapportées par divers auteurs ; mais dès le temps d’Eusèbe de Césarée, on prétendait que deux historiens, l’un nommé Phlégon et l’autre Thallus, avaient fait mention de cette éclipse miraculeuse. Eusèbe de Césarée cite Phlégon ; mais nous n’avons plus ses ouvrages. Il disait, à ce qu’on prétend, que cette éclipse arriva la quatrième année de la deux centième olympiade, qui serait la dix-huitième année de Tibère. Il y a sur cette anecdote plusieurs leçons, et on peut se défier de toutes, d’autant plus qu’il reste à savoir si on comptait encore par olympiades du temps de Phlégon : ce qui est fort douteux.

Ce calcul important intéressa tous les astronomes ; Hodgson, Whiston, Gale Maurice[3] et le fameux Halley, ont démontré qu’il n’y avait point eu d’éclipsé de soleil cette année ; mais que dans la première année de la deux cent deuxième olympiade, le 24 no-

  1. Baronius, tome II, page 37. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez Cave, (Id.) — C’est-à-dire son Script, ecclesiast. hist. litt., à l’année 362.
  3. C’est d’après l’édition en douze volumes in-8o qu’au lieu de Gale, Maurice, j’écris Gale Maurice, sans toutefois garantir l’orthographe du nom de ce personnage, qui fut, à ce qu’on croit, un des calculateurs employés par Halley. (B.)