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DICTIONNAIRE.


Des Yvetaux, précepteur de Louis XIII, est accusé d’avoir vécu et d’être mort sans religion. Il semble que les compilateurs n’en aient aucune, ou du moins qu’en violant tous les préceptes de la véritable ils cherchent partout des complices.

Le galant homme auteur de ces articles se complaît à rapporter tous les mauvais vers contre l’Académie française, et des anecdotes aussi ridicules que fausses. C’est apparemment encore par zèle de religion.

Je ne dois pas perdre une occasion de réfuter le conte absurde qui a tant couru, et qu’il répète fort mal à propos à l’article de l’Abbé Gédoyn, sur lequel il se fait un plaisir de tomber, parce qu’il avait été jésuite dans sa jeunesse, faiblesse passagère dont je l’ai vu se repentir toute sa vie.

Le dévot et scandaleux rédacteur du Dictionnaire prétend que l’abbé Gédoyn coucha avec la célèbre Ninon Lenclos, le jour même qu’elle eut quatre-vingts ans accomplis[1]. Ce n’était pas assurément à un prêtre de conter cette aventure dans un prétendu Dictionnaire des hommes illustres. Une telle sottise n’est nullement vraisemblable, et je puis certifier que rien n’est plus faux. On mettait autrefois cette anecdote sur le compte de l’abbé de Châteauneuf, qui n’était pas difficile en amour, et qui, disait-on, avait eu les faveurs de Ninon âgée de soixante ans, ou plutôt lui avait donné les siennes. J’ai beaucoup vu dans mon enfance l’abbé Gédoyn, l’abbé de Châteauneuf, et Mlle Lenclos ; je puis assurer qu’à l’âge de quatre-vingts ans son visage portait les marques les plus hideuses de la vieillesse ; que son corps en avait toutes les infirmités, et qu’elle avait dans l’esprit les maximes d’un philosophe austère.

À l’article Deshoulières, le rédacteur prétend que c’est elle qui est désignée sous le nom de précieuse dans la satire de Boileau contre les femmes. Jamais personne n’eut moins ce défaut que Mme Deshoulières ; elle passa toujours pour la femme du meilleur commerce ; elle était très-simple et très-agréable dans la conversation.

L’article Lamotte est plein d’injures atroces contre cet académicien, homme très-aimable, poëte philosophe, qui a fait des ouvrages estimables dans tous les genres. Enfin l’auteur, pour

  1. Sur Ninon de Lenclos, voyez, dans le tome V du Théâtre, la Comédie intitulée le Dépositaire ; dans les Mélanges, année 1751, la lettre sur Mademoiselle de Lenclos ; année 1767, le chapitre viii de la Défense de mon oncle ; et dans la Correspondance, le fragment de la lettre du 15 avril 1752.