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DIOCLÉTIEN.

association pouvait produire par année quatre guerres civiles ; mais Dioclétien sut tellement être le maître de ses associés qu’il les obligea toujours à le respecter, et même à vivre unis entre eux. Ces princes, avec le nom de césars, n’étaient au fond que ses premiers sujets : on voit qu’il les traitait en maître absolu, car lorsque le césar Galerius, ayant été vaincu par les Perses, vint en Mésopotamie lui rendre compte de sa défaite, il le laissa marcher l’espace d’un mille auprès de son char, et ne le reçut en grâce que quand il eut réparé sa faute et son malheur.

Galère les répara en effet l’année d’après, en 297, d’une manière bien signalée. Il battit le roi de Perse en personne. Ces rois de Perse ne s’étaient pas corrigés depuis la bataille d’Arbelles de mener dans leurs armées leurs femmes, leurs filles et leurs eunuques. Galère prit, comme Alexandre, la femme et toute la famille du roi de Perse, et les traita avec le même respect. La paix fut aussi glorieuse que la victoire : les vaincus cédèrent cinq provinces aux Romains, des sables de Palmyrène jusqu’à l’Arménie.

Dioclétien et Galère allèrent à Rome étaler un triomphe inouï jusqu’alors : c’était la première fois qu’on montrait au peuple romain la femme d’un roi de Perse et ses enfants enchaînés. Tout l’empire était dans l’abondance et dans la joie. Dioclétien en parcourait toutes les provinces : il allait de Rome en Égypte, en Syrie, dans l’Asie Mineure ; sa demeure ordinaire n’était point à Rome : c’était à Nicomédie, près du Pont-Euxin, soit pour veiller de plus près sur les Perses et sur les barbares, soit qu’il s’affectionnât à un séjour qu’il avait embelli.

Ce fut au milieu de ces prospérités que Galère commença la persécution contre les chrétiens. Pourquoi les avait-on laissés en repos jusque-là, et pourquoi furent-ils maltraités alors ? Eusèbe dit qu’un centurion de la légion Trajane, nommé Marcel, qui servait dans la Mauritanie, assistant avec sa troupe à une fête qu’on donnait pour la victoire de Galère, jeta par terre sa ceinture militaire, ses armes et sa baguette de sarment, qui était la marque de son office, disant tout haut qu’il était chrétien, et qu’il ne voulait plus servir des païens. Cette désertion fut punie de mort par le conseil de guerre. C’est là le premier exemple avéré de cette persécution si fameuse. Il est vrai qu’il y avait un grand nombre de chrétiens dans les armées de l’empire, et l’intérêt de l’État demandait qu’une telle désertion publique ne fût point autorisée. Le zèle de Marcel était très-pieux, mais il n’était pas raisonnable. Si dans la fête qu’on donnait en Mauritanie on mangeait des viandes offertes aux dieux de l’empire, la loi n’ordonnait point à