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DISPUTE.

romain, pas un tribun militaire à gouverner. Il faut à ces gens-là du devoto femineo sexu. Les hommes ont pour eux trop de barbe au menton, et souvent trop de force dans l’esprit. Boileau a fait, dans la satire des femmes (satire X, v. 566-572), le portrait d’un directeur :

Nul n’est si bien soigné qu’un directeur de femmes.
Quelque léger dégoût vient-il le travailler ;
Une froide vapeur le fait-elle bâiller ;
Un escadron coiffé d’abord court à son aide :
L’une chauffe un bouillon, l’autre apprête un remède ;
Chez lui sirops exquis, ratafias vantés,
Confitures, surtout, volent de tous côtés, etc.

Ces vers sont bons pour Brossette. Il y avait, ce me semble, quelque chose de mieux à nous dire.


DISPUTE[1].


On a toujours disputé, et sur tous les sujets : Mundum tradidit disputationi eorum[2]. Il y a eu de violentes querelles pour savoir si le tout est plus grand que sa partie ; si un corps peut être en plusieurs endroits à la fois ; si la matière est toujours impénétrable ; si la blancheur de la neige peut subsister sans neige ; si la douceur du sucre peut se faire sentir sans sucre ; si on peut penser sans tête.

Je ne fais aucun doute que dès qu’un janséniste aura fait un livre pour démontrer que deux et un font trois, il ne se trouve un moliniste qui démontre que deux et un font cinq.

Nous avons cru instruire le lecteur et lui plaire en mettant sous ses yeux cette pièce de vers sur les disputes. Elle est fort connue de tous les gens de goût de Paris ; mais elle ne l’est point des savants qui disputent encore sur la prédestination gratuite et sur la grâce concomitante, et sur la question si la mer a produit les montagnes.

Lisez les vers suivants sur les disputes : voilà comme on en faisait dans le bon temps.

  1. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  2. Ecclésiaste, chapitre iii, v. 11. (Note de Voltaire.)